Relations publiques

Le (mauvais) coup médiatique de la semaine: Equifax

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   15 septembre 2017

Même si l’attention des médias a été passablement monopolisée par l’ouragan Irma au cours des derniers jours, plusieurs sujets auraient pu constituer un bon coup médiatique ou… un mauvais.

J’ai retenu un énorme mauvais coup : celui d’Equifax. Rappel des faits.

Qui?

Equifax fait partie des trois plus grands groupes américains spécialisés dans l’évaluation du crédit et plus particulièrement dans l’établissement de score de crédit – une notation de la solvabilité et fiabilité financière des individus pour l’obtention d’un crédit, l’ouverture de compte ou autre. Les consommateurs n’ont pas le choix de se retrouver dans ces banques de données, ni d’en choisir une de confiance…

Equifax et ses homologues, Experian et TransUnion, utilisent les données personnelles et fiscales des individus ainsi que leurs données comportementales recueillies via leurs connexions sur internet.

Quoi?

Au cours des derniers jours, il y a eu un énorme coup dur à la réputation d’Equifax, causé par une cascade d’erreurs commises par l’entreprise dans… deux crises ! En voici quelques-unes :

Première erreur : Le 29 juillet dernier, Equifax a découvert le piratage des données personnelles d’environ 143 millions de consommateurs américains.

Deuxième erreur : La direction a attendu près de six semaines – soit à la fin de la semaine dernière – avant d’en informer les consommateurs.

Troisième erreur : Equifax a refusé de commenter ce délai.

Quatrième erreur : L’entreprise a pris près de 40 jours avant de rendre public cette attaque, et a assuré seulement maintenant qu’elle allait saisir les autorités compétentes – laissant supposer que ni la justice, ni le FBI, n’ont été informés en amont de l’importance de la fuite.

Cinquième erreur : Comme si cette crise ne suffisait pas, une deuxième s’est invitée dans l’actualité alors que l’entreprise a dû s’expliquer en urgence sur des transactions d’initiés. En effet, trois cadres ont vendu pour des centaines de milliers de dollars de titres dans les jours qui ont suivi la découverte du piratage.

Sixième erreur : Même si le piratage des données a touché près d’un Américain sur deux, et que des experts affirment que les données des clients d’autres pays sont tout aussi vulnérables, le premier réflexe de la direction d’Equifax Canada a été de refuser de commenter…

COMBLE DE L’IRONIE : EQUIFAX OFFRE DORÉNAVANT UN SERVICE GRATUIT CONTRE LE VOL D’IDENTITÉ… APRÈS LE VOL DES DONNÉES DE 143 MILLIONS DE SES CLIENTS!

Combien?

Entre le 1er janvier et le 6 septembre 2017, on compte 384 mentions d’Equifax dans les médias québécois.  Depuis jeudi dernier, on en compte 382, et 97 % de celles-ci sont en lien avec le vol de données. Les deux crises ont généré 50 % de la couverture médiatique annuelle d’Equifax, ce qui est énorme.

C’est la station de radio CJAD 800 AM, de Montréal, qui a généré le plus de retombées du côté des médias anglophones ; du côté francophone, c’est à la station 98,5 FM qu’il a été le plus souvent question de la crise survenue chez Equifax.
Près de 95 % des articles imprimés ou web sont signés par les agences de presse.

Nous avons analysé deux de ces retombées :

« Piratage massif d’Equifax : Les Canadiens exposés à une vague de vols d’identité ? », Les Affaires (web), 8 septembre 2017. Toutes les variables sont négatives, dont celles-ci : le titre, l’amorce, la légende et le traitement journalistique. Déficit de – 8 530 $.

“Equifax breach exposes 143 million people in U.S. to identity theft”, Financial Post (web) , 7 septembre 2017. Toutes les variables sont négatives, dont celles-ci : le titre, l’amorce, la légende et le traitement journalistique. Déficit de – 20 060 $.

Imaginez la somme de 382 retombées négatives…

Des excuses… pour changer quoi?

Dans une vidéo diffusée sur YouTube, le PDG d’Equifax, Rick Smith, a présenté des excuses… sans empathie. Pire : il a indiqué l’ouverture d’un site dédié à l’incident et précisé qu’Equifax offrait en compensation un service gratuit de protection contre le vol d’identité et de suivi du dossier de crédit… Quelle ironie !

L’entreprise Bombard’s Body Language a repris la vidéo du fade président, l’arrête à plusieurs endroits et commente le langage non-verbal. C’est très dur… et très instructif.

Aliments Maple Leaf et Equifax : même type de crise?

Fondamentalement, toute crise ressemble à une autre : il s’agit d’une situation prévisible – à condition d’avoir pris le temps d’anticiper qu’elle pourrait survenir – mais… on ne peut pas savoir quand elle arrivera, ni combien de temps elle durera.

LORSQU’UNE CRISE EST BIEN GÉRÉE, ELLE N’A MÊME PAS LE TEMPS D’ÉCLATER AU GRAND PUBLIC

Dans un blogue intitulé Relations publiques : gestion de crise 101, qui a été publié en 2015 dans Infopresse, John Larsen, d’Edelman Canada, mentionnait que le quart de la valeur marchande d’une entreprise est directement lié à sa réputation.

Or, le quart de la valeur des Aliments Maple Leaf – une entreprise qui a su se relever avec brio à la suite de décès causés par la listériose – c’est une somme énorme. Le quart de la valeur d’Equifax, aussi !

Si la valeur de la réputation peut sembler intangible, les effets négatifs d’une crise mal gérée sont tangibles : l’action d’Equifax a chuté de 15 % au cours des derniers jours…

Dans ce blogue, Ève Laurier, directrice générale d’Edelman Montréal, affirmait avec raison que lorsqu’une crise est vraiment bien gérée, elle n’a même pas le temps d’éclater au grand public. Une leçon à retenir pour les dirigeants et les communicateurs d’Equifax… et les gestionnaires qui ne prennent pas le temps d’anticiper les crises !

Source : Les Affaires

Chaque vendredi, Mesure Média présente le gain de réputation (ou le déficit) enregistré par une marque, une organisation ou une personnalité au cours de la semaine.

Note: Après avoir tenu compte du coût publicitaire avant négociation d’une retombée de presse, nous évaluons différentes variables d’analyse afin d’établir le gain ou le déficit de réputation de la retombée. Le gain ou le déficit de réputation (en dollars) d’une retombée est calculé à partir de plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs pondérés, dont le traitement journalistique accordé au message ainsi que les aspects graphiques et visuels.