Gestion de crises

Marques vs mordus de marques

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   11 novembre 2010
GAP

GAPPeut-on toucher à une marque icône et s’imaginer que ses fans ne réagiront pas ? Si c’était le cas, ça voudrait dire que les fans ne sont plus « vendus » à cette marque… et il y aurait de quoi s’inquiéter !

Je suis toujours estomaqué de constater que des gestionnaires aux commandes de grandes organisations assument leur responsabilités en ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez, et sans élargir un tantinet leur champ de vision puisqu’ils portent des œillères…

Dans l’ancien temps, soit jusqu’en 2008, les marques avaient le beau jeu : elles s’adressaient à des consommateurs qui pouvaient réagir de trois façons : acheter, ne pas acheter et se plaindre autour d’eux. C’était l’époque de la communication unidirectionnelle.

Aujourd’hui, ces mêmes marques s’adressent également à des citoyens qui, en quelques clics, peuvent orchestrer des vagues de mécontentement qui les déstabiliseront. Au point de les faire reculer à la suite de décisions rendues publiques et de les faire très mal paraître.

GAP : avant, après et… avant

Quelqu’un, quelque part, a décidé il y a quelques mois qu’il fallait rajeunir le logotype de GAP.

S’inspirant des marques Pepsi et Doritos qui ont fait appel – avec grand succès – à leurs fanspour imaginer des concepts de messages publicitaires, GAP a improvisé. L’entreprise a en effet incité le public à modifier ce qu’elle a de plus précieux dans l’imaginaire : le logotype de sa marque, soit le traditionnel carré bleu contenant trois lettres blanches.

Gap

Et là… révolution ! Quelques fans ont ouvert un compte Twitter(@GapLogo) qui permettait de canaliser les commentaires défavorables. D’autres ont créé un site (CrapLogo.me) qui permettait de créer des parodies du nouveau logo ! Sans compter toute la mauvaise presse dont la marque a fait l’objet, plusieurs jours d’affilée, dans les médias grand public et spécialisés dans tous les marchés où GAP a ses racines.

Quelques jours ont suffi pour que GAP revienne sur sa décision.

Et même si elle a une longue feuille de route dans l’industrie du commerce de détail, la présidente de GAP, Marka Hensen, a avoué comme une débutante, l’erreur dont elle doit assumer la responsabilité : « We realized how much people liked the old logo after they put up the new one ».

Mais c’est la phrase suivante, extraite du communiqué de presse de l’entreprise, qui est bien plus inquiétante : « Gap didn’t handle the change correctly and missed a chance to have shoppers offer input until it was too late ». Durant cette tempête, n’y avait-il pas près d’elle, au moins un stratège en relations publiques pour lui conseiller des messages clés plus appropriés afin de rassurer les consommateurs et le marché, et ne pas donner de munitions aux concurrents ?

Cette seule phrase m’a convaincu que l’entreprise n’a pas délibérément créé cette controverse dans le but de donner un « choc électrique » à sa marque. Parce que si elle avait voulu le faire, elle s’y serait prise avec beaucoup plus d’aplomb.

Il y a au moins deux morales à tirer de cette histoire :

  • des enfants de la maternelle auraient pu prévoir que GAP courrait après le trouble en s’aventurant, de manière improvisée, dans un changement drastique de logotype
  • les marques à succès sont bien souvent mieux connues et plus aimées par leurs fans que par leurs gestionnaires…

L’importance du capital de la marque

Je fais un lien avec une étude que des chercheurs de la Wharton School, en Pennsylvanie, viennent de rendre publique dans le Marketing Science Magazine. Voulant savoir si le vieil adage « Il n’y a rien de pire que de la mauvaise presse » était vrai, ils se sont demandé si la mauvaise presse pouvait avoir un effet positif. Leur réponse ? Parfois.

Parfois, ça veut dire « des fois oui, des fois non » ! Je m’explique.

Je suis d’accord avec Jonah Berger et ses collègues lorsqu’ils disent : “A crucial factor is how familiar a brand or product or other entity was before the negative publicity”. Puisque ceci rehausse le capital de sympathie. Et le meilleur exemple que je peux donner, c’est la « une » du Maclean’s qui, sans aucune raison, associait Bonhomme, une marque déposée mais avant tout un icône de l’imaginaire québécois, à un sujet auquel il n’avait aucunement à être associé.

Toutefois, l’impact économique des retombées de presse négatives peut prendre, en quelques jours – parfois même en quelques heures ! – des dimensions insoupçonnées… au moment où les dirigeants d’organisations ou gestionnaires de marques prennent des risques mal évalués. J’y reviendrai.

Et maintenant…

Comment GAP se relèvera-t-elle de cette fronde… que ses dirigeants ont eux-mêmes provoquée ? Assurément en faisant appel à des stratèges en relations publiques, qui devront rapidement venir à la rescousse de la marque !

Qu’en pensez-vous ?