Relations publiques

Mesurer les crises : le nouvel impératif des professionnels en communication

Par Caroline Roy   |   19 novembre 2019

Avez-vous réalisé que l’immigration, l’environnement, l’équité des genres et le profilage racial sont des enjeux sociaux qui pourraient très bien – que vous le vouliez ou non – venir frapper de plein fouet votre organisation ?

Tout récemment, j’ai eu le privilège de discuter avec des professionnels des communications et relations publiques des quatre coins du globe qui ont été confrontés – à la dure, et sans avoir vraiment été préparés – à cette nouvelle réalité.

Peu importe quel est, aujourd’hui, votre lien avec ces enjeux, vous devez être prêts à prendre position – et ce, même s’ils semblent éloignés de votre réalité.

Dans un monde politique et social en constante ébullition, et dans un univers médiatique toujours à l’affût de la prochaine crise, les professionnels des communications et relations publiques ne peuvent plus ignorer aucun enjeu – y compris ceux qui ne les concernent pas de prime abord.

EN SITUATION DE CRISE, IL N’EST PLUS POSSIBLE D’IGNORER LA MESURE ET L’ÉVALUATION… PUISQUE TOUT VA TROP VITE !

C’est l’une des leçons qui a fait consensus lors du Summit on the Future of Communication Measurement, tenu au New Hampshire et qui traitait, entre autres, de la mesure des communications en temps de crise.

Seule Québécoise sur place, j’ai participé à ce sommet qui était organisé par la spécialiste américaine de la mesure en relations publiques Katie Paine, alias «The Queen of Metrics» Mesure Média participe à ce « Task Force international » de l’évaluation depuis plusieurs années.

Réunissant quelques dizaines de professionnels des communications et relations publiques dans un décor aux couleurs d’automne de la Nouvelle-Angleterre, les discussions ont principalement porté sur du thème de la réputation en cette ère du risque.

Quand les Américains toussent…

Aujourd’hui, nos voisins du sud vivent dans un monde qui paraît plus perturbé que le nôtre : un président menacé de destitution, des tweets à toute heure du jour et de la nuit et des scandales politico-médiatiques impliquant des puissances étrangères comme la Russie… Rien pour calmer le climat du pays.

Or, vous connaissez sans doute le dicton « Quand les Américains toussent, les Québécois et les Canadiens attrapent la grippe »– qui illustre que leurs phénomènes sociaux, économiques et politiques ont très souvent des répercussions grandissantes chez nous.

Il est devenu clair que nous ne sommes plus à l’abri – comme communicateurs – d’enjeux mondiaux qui débordent largement les frontières de nos voisins du sud.

Mesurer l’impact de l’immigration sur la Southwest Airlines

Une excellente démonstration de cette nouvelle réalité est venue du transporteur aérien Southwest Airlines. Cindy Villafranca et Rachel Forrest, deux spécialistes de la mesure des communications pour cette compagnie, nous ont démontré que même si un enjeu semble externe à notre entreprise ou notre industrie, on ne peut plus l’ignorer.

Ainsi, il y a plus d’un an, si vous leur aviez dit qu’elles devraient gérer une crise impliquant les politiques américaines d’immigration, elles n’y auraient pas cru. Et pourtant…

Durant l’été 2018, la Southwest Airlines a dû se positionner sur la politique des migrants du président Donald Trump – alors que des enfants devaient être séparés de leurs parents.

Sur Twitter – que la Southwest Airlines surveille et mesure en continu – plusieurs Américains dénonçaient les compagnies aériennes qui transportaient des enfants sans leurs familles.

PENDANT LA CRISE, LES DONNÉES PRÉCISES ÉTAIENT MESURÉES EN TEMPS RÉEL ET DES DÉCISIONS ÉTAIENT PRISES.

La Southwest Airlines – qui n’avait jamais eu à se prononcer sur les politiques d’immigration – était la cible de graves critiques et de questions du genre : « Que faites-vous à la Southwest Airlines pour contrer cette injustice ? », demandaient des internautes.

Face à cette crise majeure, la Southwest Airlines – directement visée – n’a fait ni une, ni deux pour assurer sa réputation. Elle a plongé.

Elle a avisé les autorités fédérales qu’elle ne voulait plus transporter des enfants séparés de leurs parents migrants.

Résultat : la crise s’est transformée en couverture positive dans les médias traditionnels et sociaux, qui ont repris la position ferme de la Southwest Airlines et d’autres compagnies aériennes qui ont aussi emboîté le pas.

Trois points clés à retenir

La Southwest Airlines a retenu trois leçons de cette crise :

  1. Même si la crise vient de l’extérieur et qu’une autre organisation que la vôtre l’a provoquée, préparez-vous à vous impliquer. Utilisez les données pour vous préparer en conséquence;
  2. Les données auxquelles les communicateurs ont accès sont essentielles pour comprendre les différentes perceptions du public;
  3. L’analyse du contenu constitue un élément crucial de la compréhension de la réputation d’une entreprise.

Les communicateurs hésitent parfois à mesurer des enjeux plus critiques pour leur organisation. Mais dans un monde toujours plus médiatisé qui cherche continuellement la prochaine controverse, les données permettent aux communicateurs de mieux naviguer à travers les eaux troubles…