Analyse de presse

Ricardo, oreilles de crisse et Montréal: gagnantes ou perdantes ?

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   19 septembre 2016
Ricardo Elle à table

Dans sa plus récente édition, le magazine français ELLE France consacre pas moins de 21 pages à Ricardo et à Montréal.

21 pages ! C’est la meilleure preuve que la direction de ce magazine a voulu faire rayonner en France, celui qu’elle surnomme le « gentleman-trappeur ». Il tente de conquérir ce marché avec un livre de recettes et une émission de télé.

Au cours des derniers jours, au Québec, les médias traditionnels et sociaux ont beaucoup plus parlé de ce qui retroussait dans ce texte que de ce qu’il contient de positif et d’attrayant.

Voici le verdict de l’équipe de Mesure Média :

  • Si Ricardo et la Ville de Montréal avaient déboursé pour acheter 21 pages dans cet important magazine vendu en France à une clientèle de qualité, la facture aurait été de 443 877 $ (tarif non négocié).
  • Malgré les clichés et bêtises que le journaliste saupoudre ici et là, le gain de réputation est le même pour Ricardo et la Ville de Montréal : 1 039 875 $.
  • L’écart favorable est de 134 %, ce qui est largement au-dessus de notre seuil moyen de 50 %.

Qu’est-il donc arrivé ?

À la suite d’une visite d’une semaine à Montréal et de rencontres avec Ricardo Larivée, le journaliste Julien Bourré a brossé un profil qui fait saliver tout Montréalais ! Il s’agit d’un reportage fusionnel entre Montréal, destination gastronomique, et le « Punk Iroquois » (ça ne s’invente pas…).

Le texte est très intéressant et les photos, formidables ! Ce dossier très étoffé nous donne le goût de prendre des vacances non prévues et de redécouvrir notre ville à pied. Lentement. Et en allant surtout manger partout : au Café Ricardo, au Marché Jean-Talon et dans un grand nombre de restaurants.

Là où le bât blesse, c’est que ce reportage est rempli de clichés et d’expressions d’une autre époque. Et d’une pure invention.

Là où le bât blesse, c’est que ce reportage a été conçu uniquement pour le marché français. Et, comme c’est fréquent, il est rempli de clichés et d’expressions d’une autre époque. Et d’une pure invention.

On parle du Québec comme de « la Nouvelle-France » et de « la Belle Province » (sans surprise, c’est à La Banquise que le journaliste est allé manger une poutine, pas à la Belle Province…).

On qualifie quelques femmes rencontrant Ricardo sur la rue de « fan club sauvage ». On écrit à son sujet : « Il y a chez lui, comme en tout Québécois, une vénération de la retraite dans l’érablière ».

Et voici l’invention : « Pendant le temps des sucres (de 4 à 6 semaines autour de Pâques), un porc est traditionnellement sacrifié et congelé en plein air, véritable garde-manger dont on tire des charcuteries fumées au bois d’érable ».

Surprise, excuses et récupération

Rejoint par l’animateur Alain Gravel, à la suite de réactions aussi vives que nombreuses dans les médias sociaux, le journaliste s’est dit «mortifié» par les réactions négatives que son texte a suscitées dans le «Nouveau Monde».

Dans la même veine, la direction du magazine s’est excusée sur un ton sympa, en plus de publier de suaves commentaires de Québécois, accompagnés de photos.

Une fois de plus, des journalistes français ont confondu leurs fantasmes pour nos grands espaces et la réalité !

Rappelez-vous ce reportage diffusé, en 2014 à la télé française. Ce n’est pas étonnant que mon ami Laurent, en Champagne, parvienne à faire croire à ses amis et collègues que son «pote» Québécois se rend à son bureau en traîneau à chiens…

Une révision au Québec, peut-être ?

La direction d’ELLE France aurait pu faire une chose toute simple : demander à ses collègues d’ELLE Québec de réviser le texte. À moins, bien sûr, qu’elle ne se régale actuellement de cette controverse comme s’il s’agissait de délicieuses coulées de tire sur la neige…