Amir Khadir est-il un excellent porte-parole ?
L’omniprésent député de Québec Solidaire, Amir Khadir, est-il un excellent porte-parole ? Et comment qualifier la performance de Lucien Bouchard lors de son récent passage en commission parlementaire, à Québec ?
L’actualité des derniers jours a attiré l’attention sur deux porte-parole très intelligents, fougueux, bien préparés et authentiques : Amir Khadir et Lucien Bouchard. Mais ici s’arrête le jeu des comparaisons, tellement ils sont différents !
Inégal
Plus que jamais – et rien ne me porte à croire qu’il s’assagira – Amir Khadir fait flèche de tout bois. Résultat : même s’il est très éloquent et passionné, ses performances sont inégales… et il tire fréquemment à côté de la cible.
Ce qui n’est pas évident avec lui, c’est de savoir à quel titre il parle : en son nom personnel ? au nom de sa formation politique ? de toute la population de la circonscription de Mercier ? du peuple iranien réparti sur la planète ?
Lorsqu’il est en commission parlementaire pour s’objecter au projet d’amphithéâtre multifonctionnel à Québec, « il semble » intervenir au nom de Québec solidaire. Idem lorsqu’il s’en prend à l’ancien Premier ministre Lucien Bouchard.
Mais quand il lance un soulier sur un poster de l’ancien président George W. Bush, il le fait au nom de qui ? Et quand il prend part à diverses manifestations ?
Il semble évident que le médecin aux multiples facettes choisit délibérément de ne pas identifier clairement le chapeau qu’il porte lorsqu’il prend la parole. Et, malheureusement, les journalistes ne s’en formalisent pas… parce que dès que leur invité ouvre la bouche, ils savent qu’ils auront une bonne « clip » ! Mais les auditeurs, téléspectateurs et lecteurs, eux, sont dans le flou…
Impulsif… par choix !
Un homme que son entourage a toujours qualifié de rigoureux, Lucien Bouchard ne s’est pas aventuré en commission parlementaire sans avoir soigneusement préparé le mémoire qu’il a lu, de même que la période d’échanges avec les députés qui a suivi et son point de presse à la sortie. Ça paraissait qu’il était bien préparé !
Ici, pas d’équivoque : l’ex-Premier ministre du Québec est intervenu en commission parlementaire à titre de président du conseil d’administration de l’Association pétrolière et gazière du Québec.
Il a tout d’abord lu le point de vue des membres de son association avec aplomb, selon les règles précises qui sont en vigueur dans une commission parlementaire, et qu’il connaît très bien. Puis, il a échangé avec quelques élus des différentes formations politiques et a participé à un « scrum » très couru.
Je mettrais ma main au feu qu’au moment où Lucien Bouchard s’est livré à une simulation d’intervention – tout comme il le faisait lors de la préparation des débats des chefs – un membre de son entourage jouait le rôle d’Amir Khadir… avec l’objectif avoué de faire sortir le patron de ses gonds !
Parce que, s’il y avait deux choses bien plus prévisibles que le débordement de la rivière Richelieu, c’est qu’Amir Khadir tenterait de faire « déborder » Lucien Bouchard… et que celui-ci ne s’en laisserait pas imposer (il n’y a que le recours à l’image du Roi Petaud que personne n’avait vu venir !)
Résultat du duel Khadir-Bouchard en commission parlementaire ? Selon moi, c’est un match nul, alors que :
- M. Khadir est parvenu à « ulcérer » l’ancien Premier ministre, en mettant en doute son attachement au mieux-être des Québécois (c’était de toute évidence son plan de match)
- M. Bouchard a défendu ce à quoi il tient le plus à part ses enfants : son intégrité. Et ce, en faisant une sortie « enflammée » – une approche qu’il maîtrise très bien !
Mais, rappelons-nous que des tribuns de la trempe de Lucien Bouchard, il n’en pleut pas au Québec. Et des humoristes à la Daniel Lemire non plus. D’où le conseil suivant : évitez les terrains de l’impulsivité et de l’humour. Le style classique est beaucoup plus sûr !
Prendre le temps de se préparer !
Le principal atout pour réussir ses interventions, c’est de prendre le temps de se préparer. Et particulièrement en situation de crise !
Il existe une formule exigeante, mais combien utile, en toutes circonstances : elle consiste à réunir, sur papier :
- trois messages clés
- dix questions que l’on ne souhaite pas se faire poser… et les réponses pour s’en sortir et revenir à nos messages clés !
Ces messages clés, ce sont le principal et deux complémentaires. Trois phrases courtes et dans des mots simples, qui s’adressent aux publics visés (le grand public, les employés, les actionnaires, des élus, etc.) et qui peuvent être livrées ensemble ou séparément.
Et ce n’est pas difficile d’identifier les questions que l’on n’a pas envie de se faire poser – vous savez, ces questions que les journalistes ou autres intervenants ont assurément au bout des lèvres !
Ici aussi, il faut être clair en répondant oui ou non, ou en infirmant une question qui, selon vous, contient des éléments faux ou sortis de leur contexte. Et l’on revient aux messages clés.
Cette façon de se préparer est aussi utile :
- en prévision d’une entrevue avec un journaliste d’un hebdomadaire local qu’avec un animateur d’émission d’affaires publiques très écouté
- lors d’une rencontre prévue ou fortuite avec des élus, un syndicat, des actionnaires, etc.
Et il y a deux pièges à éviter :
- la personne qui connaît le mieux un dossier ne peut tout de même pas prendre la parole sans une telle préparation
- la personne qui parle avec le plus d’éloquence au sein d’une organisation ne doit pas être, nécessairement, porte-parole.
Trop souvent, les Paul Arcand, André Noël, Paul Larocque et autres journalistes chevronnés « tranchent en rondelles », des porte-parole mal choisis et/ou mal préparés…
Voici une récente entrevue accordée par un avocat réputé au tandem Paul Arcand/Claude Poirier, au 98,5 FM. Mené par ses émotions, l’avocat était à ce point insistant sur messages clés (la modération a bien meilleur goût…) que les animateurs lui ont raccroché la ligne !
http://www.985fm.ca/audioplayer.php?mp3=102486
Ce qu’il faut retenir ? Être un excellent porte-parole, c’est un art… qui s’apprend et qui se peaufine. Et un atout est bien plus important que le charisme : il s’agit de la préparation !
Qu’en pensez-vous ?