Analyse de presse

Campagne, 10e semaine : Justin… et Madame Univers !

Par Caroline Roy   |   8 octobre 2015

Avec la collaboration de Pierre Gince, Youssef Amane, Emmanuelle Rouillard et Nathalie Goyer.

Rappelons-nous la fameuse phrase de Bernard Derome, lancée si souvent en ondes à Radio-Canada: «Si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera formé par…»

Motivés par plusieurs sondages au cours des derniers jours, les libéraux ont le vent en poupe. Mais Stephen Harper, Thomas Mulcair et Gilles Duceppe n’ont pas dit leur dernier mot, et Miss Canada s’invite dans la campagne électorale.

 

Les gains :

1- La Presse soutient Trudeau… 12 jours avant le vote

Il s’agit d’une vieille tradition britannique: en page éditoriale, à la veille des élections, certains quotidiens prennent position en faveur d’un prochain gouvernement.

Au Québec, Le Devoir, La Presse et The Gazette continuent de se positionner ainsi, ce qui génère toujours un tollé de protestations chez ceux qui voient dans ce préjugé favorable un biais négatif dans la couverture de leur parti préféré… non favorisé.

Cette fois-ci, une première: La Presse a ouvert le bal à 12 jours des élections afin de souhaiter un gouvernement libéral.

 

2- Justin Trudeau rassemble

À deux semaines du vote, l’heure est aux grands rassemblements pour les partis politiques… lorsqu’ils ont la force d’attraction nécessaire.

Entouré de sa famille, Justin Trudeau s’est présenté dimanche dernier à Brampton, en Ontario, devant une foule estimée de 5000 à 7000 de militants, brandissant des pancartes rouges… de loin le plus grand rassemblement de cette interminable campagne.

Une photo de ce rassemblement s’est retrouvée en une du journal Toronto Star, lundi, ce qui représente un gain de réputation de 512 120 $* pour les libéraux fédéraux, selon notre outil d’évaluation des médias, mesure [d].

 

3- Thomas Mulcair défile à Tout le monde en parle

Pendant ce temps, le chef du NPD défilait à l’émission Tout le monde en parle de Radio-Canada.

Premier chef fédéral à se pointer sur ce plateau au cours de cette campagne, Mulcair a offert une bonne entrevue, mais qui n’aura sans doute pas l’impact majeur souhaité pour relancer le reste de sa campagne.

Rien à voir avec le passage remarqué de Jack Layton, qui avait électrisé sa campagne au Québec après son passage à Tout le monde en parle.

 

4- C-51: récupération politique ou non?

Près d’un an après l’attentat à la base militaire de St-Jean-sur-Richelieu, la sœur de Patrice Vincent, le militaire tué, offre son soutien aux conservateurs.

Louise Vincent a profité d’un rassemblement, à Lévis, pour militer en faveur du projet de loi antiterroriste C-51, aux côtés du ministre sortant de la Sécurité publique, Steven Blaney. Les adversaires politiques ont crié à la récupération politique de cet attentat.

Qu’on soit pour ou contre ce projet de loi, difficile de ne pas être sympathique à Mme Vincent, qui rappelle son frère à notre mémoire. Publiée sur le site web de Radio-Canada, cette nouvelle représente un gain de réputation de 1790 $* pour les conservateurs.

 

Le déficits :

1- Partenariat transpacifique: les deux solitudes médiatiques

Mardi matin, la majorité des quotidiens nationaux – National Post, Globe and Mail, Toronto Star, Ottawa Citizen, etc. – ont fait du Partenariat transpacifique la nouvelle la plus importante sur leur page couverture. Tous les journaux nationaux… sauf ceux du Québec !

La Presse misait plutôt sur un dossier sur les dons aux partis fédéraux, Le Journal de Montréal y allait d’une entrevue avec une femme portant le niqab, alors que The Gazette présentait un reportage sur l’impact des travaux de l’échangeur Turcot.

Même du côté de Québec, où Le Soleil traitait d’un enjeu touchant l’aéroport. Seul Le Devoir a fait du Partenariat transpacifique le sujet majeur de sa une.

 

2- Le niqab: la responsabilité des médias ?

Parlant du Devoir, son journaliste Stéphane Baillargeon a soulevé la question de la responsabilité des médias dans la couverture abondante de l’enjeu du niqab au cours de cette campagne.

Selon le chroniqueur, certains politiciens ont volontairement maintenu le sujet dans l’actualité, mais… les médias seraient aussi responsables.

Puisque le niqab est devenu un thème émotif, il crée des débats passionnés qui ne nuisent pas aux cotes d’écoute. Comme une cinquantaine de femmes le portent au Québec, chacune a fait l’objet en moyenne de 34 articles dans la presse imprimé et sur le web au Québec depuis la mi-septembre!

Dans Le Soleil de mercredi, une candidate néo-démocrate de Québec, Annick Papillon, dénonçait que les médias «ne soient pas capables de parler d’autre chose» et les exhortait à aborder les «vrais enjeux».

 

3- Stephen Harper a Miss Univers sur le dos

Madame Univers Canada
Source : Belarus Entertainment

Pas facile d’avoir Miss Univers sur le dos…

Parlez-en à Stephen Harper, cible des attaques répétées d’Ashley Callingbull, devenue la première Canadienne d’origine autochtone à recevoir le titre de Miss Univers.

Originaire de la communauté crie d’Alberta, elle s’est fait photographier, ces derniers jours, avec un t-shirt arborant l’édifiant message «F… Harper».

La nouvelle, publiée sur le site web de La Presse, vaut un déficit de réputation de – 3720 $* aux conservateurs.

 

4- Les politiciens éclaboussés par l’eau du fleuve

C’est l’histoire d’un maire qui souhaite déverser huit milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent. Il est un ancien ministre libéral au fédéral.

Dans la même histoire, un ministre libéral québécois le soutient, et des élus en campagne électorale au fédéral – ses anciens adversaires – interviennent pour dénoncer cette décision. Et l’on s’accuse de partout de politiser cet enjeu!

Le déversement est prévu le dimanche 18 octobre, à quelques heures du début officiel du vote. De toute évidence, on s’éclabousse à qui mieux-mieux!

 

* Après avoir déterminé le coût publicitaire avant négociation d’une retombée de presse, mesure [d] évalue différentes variables d’analyse afin d’établir le gain ou le déficit de réputation de la retombée. Le gain ou le déficit de réputation (en dollars) d’une retombée est calculé à partir de plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs pondérés, dont le traitement journalistique accordé au message ainsi que les aspects graphiques et visuels.