Campagne électorale : Qui a gagné les premiers jours ?
Véritable marathon politique de 11 semaines, la campagne électorale fédérale démarre lentement, autant sur le terrain que dans les médias. Qu’en est-il de cette première semaine ? Quel gain ou déficit médiatique les partis ont-ils réussi à faire ?
Les gains :
1- Les promesses de Stephen Harper
En quoi des promesses de campagne électorale, que les politiciens ne finissent jamais par tenir, peuvent-elles représenter un gain médiatique ?
Seul Stephen Harper a dévoilé des promesses électorales en cette première semaine. Sa promesse d’un crédit d’impôt pour la rénovation lui a permis de se glisser en une du Toronto Star et du National Post alors qu’il faisait campagne dans la grande région de Toronto. Une région essentielle pour une victoire des conservateurs.
Les unes combinées du Toronto Star et du National Post donnent un gain de réputation de 118 625 $* pour le chef des conservateurs, selon notre outil d’évaluation des médias mesure [d].
À quoi servent les promesses électorales ? À marquer des points dans les médias.
2- Ruth Ellen Brosseau en vedette
Celle qui a été la risée des médias aux dernières élections est devenue une politicienne respectée. La jeune femme, élue dans la foulée de la vague orange dans le comté de Berthier-Maskinongé, n’avait pas fait campagne au printemps 2011. Elle avait même passé quelques jours à Las Vegas pour sa fête…
Mais cette fois-ci, Ruth Ellen Brosseau se veut bien visible. La version anglophone du magazine Châtelaine publie un superbe portrait de la députée. Le type d’article dont rêve tout politicien à la veille d’une campagne. Le reportage rappelle ses bons coups à la Chambre des communes, son apprentissage du français et son ardeur au travail, tout en étant une mère monoparentale.
L’entrevue de Ruth Ellen Brosseau lui vaut un gain de réputation de 626 298 $* dans le magazine Chatelaine.
3- Le cynisme en une du National Post
La palme de la une la plus originale revient au National Post, qui a énuméré quelques événements qui se sont déroulés plus vite que l’actuelle campagne électorale.
Vous avez trouvé longues les finales de la Coupe Stanley ? Elles ont duré 62 jours, soit 16 jours de moins que les prochaines élections. Le mariage de Kim Kardashian, lui, a tenu 72 jours : une semaine de moins que les élections ! Cette une ne fait rien pour contrer le cynisme ambiant à propos de cette campagne.
4- Duceppe à vélo
Les premières images ont fait sourire, mais le chef du Bloc québécois a trouvé le moyen d’être médiatisé à quelques jours du déclenchement de la campagne. Sa tournée du Québec à vélo, aux côtés de Pierre Karl Péladeau, lui a permis de se démarquer avant le déclenchement de la campagne.
Un reportage, diffusé à TVA, montrant Gilles Duceppe et PKP à leur départ de Repentigny le 29 juillet, représente un gain de réputation de 5 617 $* pour le chef du Bloc québécois.
Les déficits :
1- Ils ne sont pas prêts
« Je suis prêt, l’équipe libérale est prête, nous sommes prêts », a déjà dit Jean Charest au lancement de sa campagne provinciale en 2003. Admettons qu’aucun parti fédéral n’aurait pu reprendre ce slogan pour lancer sa campagne dimanche dernier.
À part Stephen Harper, premier ministre sortant, aucun chef ne semblait prêt à se lancer dans l’arène. Thomas Mulcair n’a répondu à aucune question des journalistes. Les télévisions attendaient impatiemment le point de presse de Justin Trudeau alors qu’il était dans un avion en route pour Vancouver. Gilles Duceppe avait seulement deux candidats à ses côtés pour sa conférence de presse.
Et lundi, les chefs du NPD et du Bloc étaient invisibles, laissant tout l’espace médiatique à M. Harper.
2- Justin et Tom
Pourquoi Stephen Harper nomme-t-il le chef des libéraux « Justin » et évite-t-il de prononcer le nom « Trudeau » ? Voilà l’un des gros enjeux de la première semaine de campagne. La question a été lancée par la chroniqueuse du Toronto Star, Chantal Hébert. Les journalistes ont demandé à Stephen Harper de s’expliquer. Et à Justin Trudeau de répliquer.
Dans la même veine, Thomas Mulcair a dû raconter pourquoi il est devenu « Tom » sur ses affiches électorales.
Qui a dit qu’une campagne électorale était l’occasion de débattre des vrais enjeux ?
3- Harper vs Wynne
Stephen Harper et la première ministre libérale de l’Ontario, Kathleen Wynne, ont lancé les hostilités dès le jour 1 de la campagne. Dans cette guerre de mots, qui sort gagnant ? Disons que Mme Wynne a réussi à écorcher le premier ministre en soutenant que cette campagne électorale est inutilement longue et qu’elle traduit un jeu politique cynique.
Un article, paru sur le site web du National Post, qui reprend les propos de la première ministre cause à Stephen Harper un déficit de réputation de – 3 445 $*.
4- Le budget des médias
Le Journal de Montréal nous a appris que Radio-Canada, affaibli par les récentes compressions, devra relever tout un défi pour couvrir les élections from coast to coast pendant 11 semaines. Michel Cormier, le directeur de l’information de Radio-Canada, a aussi donné des entrevues sur ses propres plateformes pour avouer que la longue campagne faisait mal à leur budget.
Si l’on se fie aux coupures de postes de journalistes ces dernières années à Radio-Canada, mais aussi dans d’autres organisations de presse, aucun média n’a les moyens de couvrir à fond une campagne de 11 semaines…
* Après avoir déterminé le coût publicitaire avant négociation d’une retombée de presse, mesure [d] évalue différentes variables d’analyse afin d’établir le gain ou le déficit de réputation de la retombée. Le gain ou le déficit de réputation (en dollars) d’une retombée est calculé à partir de plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs pondérés, dont le traitement journalistique accordé au message ainsi que les aspects graphiques et visuels.