Cinq conseils de gestion de réputation pour une Top Gun sous pression
Depuis ce lundi, l’attention médiatique est dirigée vers « la Top Gun » dont parlait depuis plusieurs mois le ministre Christian Dubé. Elle a maintenant un nom : Geneviève Biron. Et, une expertise indéniable en santé.
À la liste des immenses défis de gestion qui l’attendent – transformer un système de santé malade, faire mieux avec des budgets colossaux, arrimer du personnel désolidarisé, etc. – Geneviève Biron doit en ajouter un double : la gestion de la réputation de Santé Québec et… la sienne, puisqu’elle apporte dans son porte-documents, un passé qui intéressera assurément les journalistes d’enquête.
Alors que les médias sont souvent prêts à tirer à vue, comment cette nouvelle héroïne de notre santé collective parviendra-t-elle à manœuvrer pour garder le cap ? Quels sont les principaux défis de gestion de réputation auxquels elle est déjà confrontée ? En voici cinq.
- Se définir elle-même
Le premier défi de gestion de Madame Biron consiste à se définir elle-même – et rapidement – à partir de deux questions toutes simples :
- Pourquoi a-t-elle été recrutée ?
- Quelle est sa motivation ?
En effet, pourquoi a-t-elle été choisie parmi un bassin sans doute très riche de candidates et de candidats ? Quel type de gestionnaire est-elle : visionnaire ou dans la micro gestion ? À l’écoute ou entêtée ? Elle devra rapidement se faire connaitre en montrant sa valeur ajoutée, et ce, dans un contexte extrêmement tendu.
L’autre question est tout aussi essentielle : certainement indépendante de fortune grâce à ses succès dans une entreprise familiale « 100 % privé », que vient-elle faire dans ce bordel du secteur public ?
L’évidence de sa motivation devra rapidement sauter aux yeux – en mots et en actions. Parce que… si elle ne se définit pas elle-même, ses adversaires – déjà nombreux – s’en chargeront.
La clé, c’est d’être elle-même. Tout simplement.
C’est avec sa personnalité et ses valeurs que Geneviève Biron deviendra une véritable Top Gun aux yeux de son public. Ou non…
- Travailler pour « le public », communiquer avec « son public »
C’est un euphémisme : la communication sera capitale dans les nouvelles fonctions de Madame Biron. Mais, avec qui devrait-elle communiquer ?
Même en travaillant pour « le public », elle ne devrait pas le cibler. Parce qu’elle n’a pas de relations à tisser avec lui. Ce public rêve – sans trop y croire – en un système de santé qui ira mieux, et ses priorités sont multiples : un logement abordable, l’épicerie, les activités des enfants, etc. Ce que font les hauts fonctionnaires ? Bof…
Une seule clientèle cible devrait l’intéresser : tous ceux et celles qui se trouveront à l’emploi de Santé Québec – prochainement le plus important employeur au Québec. Et aussi, les médias traditionnels et numériques et les réseaux sociaux – qui continueront de relayer, qu’elle le veuille ou non, tout ce qui retrousse dans notre système de santé. Elle pourra probablement y générer, de temps à autre, de légers gains de réputation qui plairont à ce public, de même qu’au ministre Dubé et aux membres de l’Assemblée nationale. Mais, le tribunal de l’opinion publique ne lui fera pas de cadeaux.
Pourrait-elle vouloir occuper l’ancien créneau de Sophie Brochu ?
À la tête d’Hydro-Québec, Madame Brochu en incarnait ses valeurs, et elle avait su créer un grand sentiment d’appartenance au sein de sa gigantesque équipe. Et, quand elle parlait aux médias, elle était énormément écoutée. Dans le radar des médias, la place est libre !
- Être prête à passer sous les rayons X
Madame Biron connait bien les rayons X – au sens propre.
La voici maintenant confrontée à des examens de son passé et de son présent :
- A-t-elle fait des investissements dans le secteur pharmaceutique ?
- Qui sont ses principales relations ?
- Parviendra-t-elle vraiment à établir un « mur de Chine » avec ses proches qui ont des relations avec le gouvernement du Québec ?
- Traine-t-elle de vieilles déclarations qui pourraient être jugées déplorables en 2024 ?
- Et ce, sans oublier ses nouvelles conditions salariales et avantages sociaux
- Etc.
Aussi, elle a certainement observé comment Mme Dominique Ollivier a quitté la présidence du comité exécutif de la ville de Montréal… En 2024, c’est « Tolérance zéro » pour les moindres dépenses assumées avec l’argent des contribuables – et les images prennent énormément d’ampleur dans l’esprit populaire – souvent dans des « mèmes » et des caricatures !
4. Être prête à défendre les manques de jugement
Les dérapages dans le secteur de la santé sont quotidiens.
Jour après jour, ils font l’objet de critiques sévères dans les réseaux sociaux et les médias traditionnels et numériques – le tout souvent alimenté par la période de questions à l’Assemblée nationale. La création de Santé Québec, et l’arrivée d’une Top Gun et de son collègue issu « du Mammouth » – dixit Paul Arcand – ne changeront rien.
Madame Biron devra réagir rapidement et efficacement. Santé Québec, à peine née, devrait déjà compter sur un plan de gestion et de communication de crise. Ça inclut l’anticipation de risques possibles – au moins 90 % d’entre eux pourraient être identifiés aujourd’hui – et la mise en place d’un plan de gestion et de communication sur mesure. Bien sûr, une veille médiatique constante et une équipe de communication capable de se retourner sur un 10 cents sont des atouts majeurs.
- Évaluer et ajuster en continu
La gestion de réputation est un processus continu et évolutif. C’est pourquoi Santé Québec aurait tout intérêt à :
- Bien identifier et segmenter ses innombrables sous-publics qui, graduellement, formeront un tout
- Mesurer les perceptions et les changements au sein de ces groupes, à partir d’objectifs clairs (ex : groupes discussion et sondages)
- Analyser les données quantitatives et qualitatives découlant des réseaux sociaux et des médias traditionnels et numériques (ex : audit et portrait externe)
Les données quantitatives et qualitatives, analysées par des stratèges de l’externe, contribuent à une gestion saine et… simple !
Sur ce, donnons la chance à la coureuse…