Gestion de crises

L’affaire est ketchup

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   25 mai 2010

L’affaire est ketchupLors de nombreux tests à l’aveugle menés par Coca-Cola, dans les années 80, les américains se prononcent : ils préfèrent un goût… différent. Réaction du leader mondial des boissons gazeuses : la recette originale est modifiée afin de laisser toute la place au New Coke.

Malgré des tests concluants, une méga offensive publicitaire et une campagne d’opinion publique qui tentait de faire croire qu’il s’agissait d’une stratégie toute calculée, le New Coke constitue un fiasco commercial. Et l’entreprise relance son ancienne formule sous l’appellation Coca-Cola Classic.

Les pressions des « fans finis » de la recette originale sont énormes dans les médias. Le siège social de Coca-Cola et de ses embouteilleurs sont inondés… de téléphones et de lettres. C’était avant une traînée de poudre appelée Web.

Coca-Cola aurait pu s’éviter un gigantesque tollé qui a sans doute coûté des centaines de millions $. Comment ? En modifiant graduellement sa recette puisqu’il n’y avait pas, à l’époque, d’enjeu du sucre : les pressions sur tout ce que l’on mange et boit débutaient à peine.

La situation est bien différente dans le cas de Heinz qui, en février dernier, a annoncé sa décision de modifier la recette de son fameux ketchup qui est commercialisé depuis 1876. Détail important : le sodium est désormais diminué mais pas le goût du sel.

Signe des temps : après la diffusion d’un communiqué aux médias, Heinz a lancé sa propre page sur Facebook. Résultat : il y a aujourd’hui près de 400 000 personnes à souhaiter le statu quo et à s’informer à propos des valeurs nutritionnelles (!) du produit. Et, tant qu’à y être, pourquoi ne pas cuisiner une Love Apple Pie… au ketchup Heinz. Bon appétit !

Que fera Heinz ? Maintiendra-t-elle sa décision de réduire de 15 % la quantité de sodium dans son ketchup (le changement est déjà amorcé) qui s’inscrit au cœur d’une vaste « stratégie santé » de l’entreprise ? Ou cédera-t-elle aux pressions d’un très grand nombre de leaders d’opinions qui s’insurgent contre la modification à la recette… sans même y avoir goûté !

Prédiction : Heinz gardera le cap. Pour au moins deux raisons : d’abord, parce qu’aucun concurrent ne la talonne, ce qui fait que les leaders d’opinions devraient demeurer… des adeptes. Et ensuite : si elle faisait marche arrière, imaginez les réactions tous les lobbys du diabète, des problèmes d’hyper-tension et autres, sans oublier les gouvernements de tous les États du pays de l’Oncle Sam…

Et à bien y penser : plus ou moins de sel dans du ketchup, sur des frites grasses et déjà salées, ça change quoi ?

Pierre Gince, ARP