L’armée canadienne: un bon citoyen corporatif ?
L’armée canadienne, dont plusieurs centaines de soldats ont les pieds dans l’eau avec la population éplorée en Montérégie depuis la semaine dernière, peut-elle être considérée comme un bon citoyen corporatif ?
Oui, assurément : l’armée canadienne est depuis toujours un bon citoyen corporatif au Québec, et ce, même si elle a de la difficulté à atteindre tous ses objectifs.
Très souvent, des gens définissent un citoyen corporatif comme une importante entreprise privée qui, parce qu’elle est notre voisine ou un leader de son secteur, « se doit » de faire des dons et des commandites. Sans compter. C’est un peu court comme définition !
L’armée canadienne démontre qu’un citoyen corporatif peut très bien provenir du secteur public, et donner non pas de l’argent mais une autre denrée très importante : du temps de qualité.
Il y a quatre objectifs à atteindre – dans un ordre précis – pour toute organisation, marque ou personnalité qui souhaite se positionner auprès de différents publics :
1) être présent
2) être connu
3) être compris
4) être apprécié
Il est impossible d’être connu si une organisation, une marque ou une personnalité n’est pas présente.
Être compris, c’est autre chose… Tout comme être apprécié.
Nous sommes multi-facettes… et les autres aussi !
Ainsi, à propos d’une organisation, d’une marque ou d’une personnalité : chaque personne a généralement plusieurs opinions envers leurs différentes facettes – souvent même des opinions contradictoires parce que chacun de nous est également multi-facettes : nous sommes à la fois homme ou femme, adulte dans un groupe d’âge, sur le marché du travail ou étudiant, citadin ou campagnard, vert ou plutôt insouciant envers l’environnement, amateur de tel ou tel type de musique, etc. Tout ceci influence nos opinions.
Prenons l’exemple de Bombardier : comme Québécois, on peut être impressionné par l’invention de la motoneige, mais ne pas apprécier que les randonneurs fassent de la pollution sonore et olfactive, en plus d’affecter la couche d’ozone… Comme investisseur, on peut apprécier les rendements de l’entreprise en bourse et avoir l’impression, comme citoyen, que le gouvernement du Québec a payé trop cher pour renouveler les wagons du métro de Montréal, à La Pocatière…
Les omniprésentes Bombardier et Bombardier Produits récréatifs (demeurées soudées dans l’esprit des Québécois même s’il s’agit maintenant de deux entreprises distinctes) sont archi-connues, mais… pas toujours comprises ni appréciées à leur juste valeur, pour toutes les bonnes raisons que le souhaiteraient leurs dirigeants et leurs communicateurs !
Prenons un autre exemple de l’actualité : l’armée canadienne.
Les Québécois ont une relation ambigüe avec elle, et ça remonte aux événements d’octobre 1970.
Ainsi, comme citoyens avisés, nous pouvons apprécier le travail des soldats canadiens en Afghanistan tout en déplorant, à titre de pacifistes, la décision du gouvernement Harper de prolonger cette présence. Comme payeurs de taxes, trouver que les dépenses militaires sont exorbitantes mais, comme résidents de la Montérégie, être soulagés de voir des centaines de soldats venir remplir et transporter, jour après jour, des milliers de sacs de sable !
L’armée canadienne est constituée de milliers de Québécoises et de Québécois qui ont décidé de servir leur patrie. Avec conviction, passion et… combativité !
Mais ils ne sont pas toujours au front. En fait, ils étaient plusieurs centaines de soldats et de recrues, à St-Jean-sur-Richelieu (à moins d’une dizaine de kilomètres des zones inondées de la Montérégie), à attendre un signal avant d’arriver. Un peu comme des voisins polis, mais… qui meurent d’envie de rendre service !
Je préfère ne pas croire la rumeur qui veut que l’armée ne serait pas intervenue plus tôt parce que la Montérégie était en campagne électorale fédérale…
Chose certaine : même si elle n’est pas constituée pour appuyer systématiquement les citoyens lors de crises liées à la météo (verglas et inondations, notamment), l’armée canadienne est toujours présente. Archi-connue. Pas toujours comprise, mais… ces jours-ci du moins, très appréciée !
Les professionnels en relations publiques au service de l’armée canadienne doivent s’en donner à cœur joie ces jours-ci au Québec : participation à la cellule de crise sur une base quotidienne, relations de presse, analyse de presse, sondages, mesure de l’impact sur les médias sociaux, etc…
L’impact du bon citoyen corporatif sur les activités économiques
Comme consommateurs, nous ne pouvons pas décider d’acheter des actions de l’armée canadienne… Mais nous avons tous un impact significatif sur les succès et les échecs d’un très grand nombre d’organisations, de marques et de personnalités.
Quand une expérience nous semble authentique… ou non, nous réagissons, et de plus en plus rapidement : en achetant, en boycottant, en votant, en commentant en 140 caractères, etc.
De nombreuses études révèlent que les entreprises qui sont perçues comme de bons citoyens corporatifs contribuent elles-mêmes à influencer les ventes sur leurs propres marques.
Au fait, que parvient à nous faire faire une entreprise qui s’est positionnée dans notre tête et parfois même jusque dans notre cœur (le Canadien, Laura Secord, Apple, etc.). ?
- Nous faisons l’essai de ses produits et services une première fois.
- Nous déplaçons nos achats habituels de chez un concurrent vers cette marque.
- Nous rehaussons notre respect et notre opinion favorable envers cette marque.
- Nous recommandons cette marque – produits et services – à notre famille, amis, voisins et collègues de travail (ce qui fait de nous des ambassadeurs très crédibles et efficaces pour l’entreprise… surtout que nous le faisons bénévolement !).
- Nous augmentons notre confiance envers l’entreprise, et souvent même envers ses gens (les anglophones appellent ça The Brand Behind The Brand).
- Nous accueillons favorablement l’entreprise dans notre communauté si elle veut s’y installer ou y agrandir ses installations.
- Nous devenons plus loyaux et plus fidèles envers ses produits et services, mais aussi envers l’entreprise, allant même parfois jusqu’à prendre sa défense auprès de nos relations et sur la place publique.
- Nous faisons l’essai, tout naturellement, des nouveaux produits et services proposés par l’entreprise.
- Nous admirons l’entreprise comme un leader, un modèle de son industrie ou de notre communauté.
… Et dire qu’il y en a encore pour croire que c’est du temps perdu de s’occuper du volet « bon citoyen corporatif » des entreprises !