Beurre d’arachide et déficit de réputation
Au tournant de l’année 2022, êtes-vous tombé en bas de votre chaise en apprenant la suspension d’employées du réseau de la santé pour avoir « volé » à leur employeur une rôtie au beurre d’arachide, une pointe de pizza ou un beigne ?
Une fois la consternation passée – considérant l’ampleur des mesures disciplinaires vs les « crimes » commis – voici une question fondamentale que tout gestionnaire devrait se poser en ce début d’année :
EST-CE QUE MON ORGANISATION EST À L’ABRI À 100 % DE TELLES ERREURS DE PROCÉDURES ET… DE JUGEMENT ?
Poser la question, c’est y répondre.
Peut-on prévenir des crises ?
Aucune organisation – peu importe son domaine et sa taille, et même une personne à son compte – ne pourrait prétendre à la perfection dans sa gestion. Mais, est-ce possible de l’améliorer ?
Oui, assurément. Prévenir, c’est sans contredit une façon très efficace d’éliminer – ou du moins atténuer – un grand nombre de crises qui affecteront la réputation de votre organisation. À l’interne comme à l’externe.
Je ne sais plus combien de fois on m’a posé la question suivante : « Si on peut prévenir des crises, comment se fait-il qu’il y en ait autant ? »
J’ai toujours répondu la même chose : « C’est parce que la prévention des crises n’a pas été faite, ou – pire ! – qu’elle ne l’a pas été efficacement. »
Voici une suggestion en cinq étapes :
- Imposer la mise en place d’un véritable plan de prévention de crises;
- Faire un inventaire à 360 degrés;
- Apporter les correctifs qui s’imposent;
- Lâcher prise;
- Réaliser l’importance d’une réputation saine ou… abîmée.
1) Imposer un véritable plan de prévention de crises
La toute première étape consiste en une annonce par tout le comité de direction. L’unanimité de la décision ne doit faire aucun doute, tout comme les objectifs poursuivis et l’échéance – généralement quelques mois au maximum.
Il faut rapidement faire comprendre qu’on ne travaillera pas là-dessus quand on aura du temps libre… mais qu’il s’agit d’une véritable priorité pour 2023 !
2) Faire un inventaire à 360 degrés
Il faut débuter par un audit, soit l’inventaire de tout ce qui a du potentiel pour générer une crise dans la gestion et – automatiquement – la réputation. Ça tiendra compte à la fois de ce que l’on peut voir et, aussi, de ce qui peut arriver via les angles morts… La liste sera très longue !
LES ERREURS DE GESTION NUISENT TRÈS SOUVENT À LA RÉPUTATION. ET CELLE-CI EST TOUJOURS AFFECTÉE PAR UNE GESTION QUI N’EST PAS OPTIMALE…
Avant de présenter un plan d’audit à des dirigeantes et des dirigeants, j’ai toujours trouvé très instructif de leur demander d’identifier les catégories de crises de gestion et de réputation susceptibles de survenir.
J’ai souvent entendu les mêmes commentaires, dont ceux-ci :
- « On va se concentrer sur ceci et cela. » Ça veut dire ne pas vouloir aller au bout de la démarche. Par exemple, les enjeux d’environnement sont encore trop souvent jugés comme étant secondaires. Et pourtant…
- « Moi, ma responsabilité, c’est ceci. Je ne travaille pas sur ce que font les autres ». Différentes considérations – telles une description de tâches très restrictive qui n’a pas été mise à jour depuis longtemps, et des bonis de performance – interfèrent souvent, malheureusement, dans l’efficacité d’une démarche optimale.
Aussi, j’ai très souvent été surpris par d’importantes crises potentielles auxquelles ils et elles n’avaient pas pensé…
3) Apporter les correctifs qui s’imposent
Souvent, j’ai aussi entendu : « On n’a pas les moyens de se lancer dans une telle démarche, c’est seulement pour les grosses entreprises. »
Faux, ça n’a rien à voir ! Une même crise qui surviendrait le même jour à la même heure dans une grande entreprise et une PME risque d’affecter davantage cette dernière… puisqu’elle n’aura probablement pas le minimum de préparation nécessaire, ni les ressources pour réagir en urgence.
C’EST TOUJOURS PLUS SIMPLE ET MOINS COÛTEUX DE RÉFLÉCHIR DANS UNE SITUATION CALME, EN AMONT, PLUTÔT QUE D’INTERVENIR SOUS LE COUP DE L’ÉMOTION, DANS L’URGENCE.
4) Lâcher prise
Même la meilleure démarche de prévention de crises ne réglera pas tout, comme le ferait un coup de baguette magique… Parce qu’elle touchera plusieurs aspects, entre autres :
- La continuation des activités au quotidien, parallèlement à cette démarche;
- Des contrats et autres contraintes légales qui pourront freiner ou ralentir des changements;
- Les « bonnes vieilles façons de faire » et les mentalités incrustées !
Il est essentiel d’accepter dès le départ que tout ne sera pas parfait par la suite. Mais, ce qui aura été amélioré limitera un grand nombre de dérapages. Autrement dit : il faut lâcher prise.
Même la liste la plus exhaustive des situations de crises potentielles n’ira pas jusqu’à préciser qu’un(e) employé(e) pourrait « voler » une rôtie au beurre d’arachide… Mais, elle identifiera de nombreux exemples où une gestion sans jugement et empathie – qui ne tiendrait pas compte d’un contexte particulier – engendrera des déficits de réputation.
5) Réaliser l’importance d’une réputation saine ou… abimée
Encore trop souvent, des gestionnaires qui ont le nez collé sur ce qu’ils considèrent « leur arbre » n’accordent pas la même importance à la forêt dans laquelle ils se trouve…
Combien de fois ai-je entendu : « Les communications, ce n’est pas ma responsabilité ! »
C’est faux !
LES COMMUNICATIONS, C’EST LA RESPONSABILITÉ DE 100 % DES MEMBRES D’UNE ORGANISATION, ET CE, PEU IMPORTE SA FONCTION.
Croyez-vous que des « p’tit boss » qui décident de suspendre des employées pour une pointe de pizza ou un beigne qui allait être jetés ont contribué positivement à la réputation de leur boîte ?
Non, évidemment. Tout comme ils ont contribué à nouveau à l’augmentation de déficits de réputation… lorsque le ministre Christian Dubé a renversé leurs décisions !
Les spécialistes des communications et des affaires publiques doivent absolument jouer un rôle clé dans une telle démarche. Mieux, ils et elles devraient la piloter ! Parce que leur vision à 360 degrés sera un atout pour faciliter les analyses et les solutions à arrimer.
La réputation de la « marque employeur » et celle qui pourrait être abîmée dans les médias traditionnels et sociaux, c’est au cœur de leur expertise et de leur quotidien. Ils et elles peuvent être appuyés – c’est souhaitable – par des spécialistes des communications internes, de gestion de crises et d’analyse du contenu des médias.
Pourquoi un appui de l’externe ? Parce que le rapport qualité-prix fourni par des experts dans ces domaines vaut le coup. Leur regard apporte une lecture de l’extérieur de la bulle. Par exemple, un regard externe aurait évité au FC Montréal de se mettre les pieds dans les plats la semaine dernière…
À retenir
- Un très grand nombre de crises peuvent être évitées ou, du moins, atténuées grâce à un plan de prévention;
- Les spécialistes des communications et des affaires publiques doivent absolument jouer un rôle clé dans une telle démarche. Mieux, ils et elles devraient la piloter, avec l’appui d’experts.