Bon coup médiatique : SNC-Lavalin
Quelle est la plus importante responsabilité que doivent assumer les stratèges en communication et qui, pourtant, n’est jamais précisée dans leur description de poste ?
Ils et elles doivent être – selon la définition que donne le Larousse au mot sentinelle – des personnes qui ont « pour tâche de veiller, de surveiller pour éviter toute surprise ».
Prenons deux exemples : la récente allocution prononcée uniquement en anglais par le président et chef de la direction d’Air Canada, Michael Rousseau, et celle que son homologue chez SNC-Lavalin, Ian Edwards, a annulé à quelques jours d’avis au Cercle canadien.
Il s’agit de deux situations étrangères à première vue et qui, pourtant, sont liées. En effet, pendant que les stratèges d’Air Canada ont semblé surpris et sont encore en gestion de crise – trois semaine après l’événement, et pour un bon moment encore – ceux de SNC-Lavalin ont sans aucun doute évité une crise de même ampleur, dès le moment où « l’affaire Rousseau » est apparue sur leur radar.
Le calcul du risque chez Air Canada…
Il aurait été très instructif de pouvoir s’inviter – comme une mouche qui se faufile – dans les bureaux de la haute direction d’Air Canada afin d’écouter les arguments qui ont penché, dès le départ, en faveur de la décision du président : aller s’adresser en anglais seulement à un parterre de gens d’affaires, à Montréal, en 2021.
L’ÉVALUATION DU RISQUE EST INSTRUCTIVE : PARLER ANGLAIS À 300 PERSONNES QUI NE S’OBJECTERAIENT PROBABLEMENT PAS VS UN DÉFICIT DE RÉPUTATION FACILE À ANTICIPER DE PLUS DE 2 MILLIONS $ DANS LES MÉDIAS ?
Puis, quelques jours avant l’événement, les signaux d’alerte ont été nombreux et sans équivoque : quelques médias, le cabinet du premier ministre Legault et le Commissaire aux langues officielles ont prévenu l’entourage de M. Rousseau du « mur » dans lequel le président Rousseau allait foncer….
UN SCORE DE PERFORMANCE MOYEN DE -150 %, COMME CELUI D’AIR CANADA DANS CE CAS-CI, C’EST L’ÉTAPE JUSTE AVANT CELLE DES AFFAIRES DE MŒURS…
La décision d’Air Canada a été maintenue. Et, le score de réputation moyen sur l’enjeu « allocution en français » est de -150 %. Où étaient donc les sentinelles ?
… et le calcul du risque chez SNC-Lavalin
Évidemment, ce n’est jamais idéal d’annuler une invitation à quelques jours d’avis. Mais, considérant le tollé survenu au sein d’Air Canada, quelles options avait la direction de SNC-Lavalin ?
Si son président, Ian Edwards, avait pu lire convenablement quelques paragraphes en français – tout en promettant de faire mieux la prochaine fois – il aurait obtenu la note de passage. Mais, ce n’était probablement pas possible pour lui…
Ainsi, « baragouiner » le français – dire, exprimer quelque chose de façon incompréhensible, selon le Larousse – n’a pas été une option jugée acceptable pour la réputation de SNC-Lavalin.
Tout en mettant en lumière le fait que son président est unilingue, l’annulation de l’allocution par SNC-Lavalin a généré une couverture médiatique neutre, avec même quelques pointes du côté du positif !
L’ANNULATION DE L’ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE SNC-LAVALIN A ÉTÉ COMPRISE PAR LES MÉDIAS. ET IL N’Y A PAS EU « D’AFFAIRE EDWARDS ».
À retenir :
- S’entêter, sans tenir compte du contexte de la société dans laquelle une organisation est enracinée, n’est jamais une bonne idée…
- Pour communiquer efficacement, il est essentiel d’être continuellement une sentinelle dans l’organisation, dans son industrie et, aussi, dans la société.
- Au cours des prochaines années, la maitrise du français par MM. Rousseau et Edwards demeurera un élément de suivi par les journalistes, et… celle des dirigeants de votre organisation, peut-être aussi !