Analyse de presse

Bons coups médiatiques : les associations patronales et syndicales

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   10 mai 2021

Voici deux citations lancées récemment aux médias. L’une par une association patronale et l’autre, par un syndicat :

« Il s’agit d’une entente qui marquera l’histoire (…). Les avancées sont majeures (…) Ce ne sont pas seulement des mots, ce sont des moyens. »

« Préserver la qualité du français, une responsabilité urgente et collective. »

À qui doit-on les attribuer ?

La première citation sur les avancées majeures découlant de l’entente signée avec le gouvernement du Québec revient à la Fédération autonome de l’enseignement – le syndicat FAE – alors que celle portant sur la défense de la qualité du français revient… au Conseil du patronat !

Des consensus… au centre !

Depuis une décennie en particulier, le ton a véritablement changé au sein de plusieurs organisations patronales et syndicales actives au Québec.

Encore il n’y a pas si longtemps, les associations syndicales – menées par des leaders aux discours tonitruants – enfilaient les revendications et les menaces de grève et de boycottage. De leur côté, les interlocuteurs patronaux étaient à peu près invisibles dans les médias.

La situation est maintenant différente.

Bien sûr que sur l’échiquier, les syndicats demeurent nettement socio-démocrates – voire, à gauche – alors que leurs vis-à-vis patronaux sont davantage conservateurs.

Pourtant, au fil du temps, leurs leaders respectifs se sont influencés mutuellement : les syndicats proposent de plus en plus de solutions, alors que les patrons font preuve d’une plus grande ouverture envers les enjeux sociaux.

Que s’est-il donc passé puisqu’il n’y a pas si longtemps, ces citations auraient été plus naturellement attribuées à l’autre partie ?

TANT LES PORTE-PAROLE SYNDICAUX QUE PATRONAUX ONT UNE MÊME EXPRESSION EN BOUCHE : « EN MODE SOLUTION ».

Cela se traduit par une couverture très abondante dans les médias sociaux et traditionnels qui est articulée autour de dirigeantes et dirigeants qui ont au moins un point en commun : le souci de communications ciblées et efficaces.

Des stratégies différentes

Les données quantitatives et qualitatives à propos des principales associations patronales et syndicales constituent une mine d’or de renseignements !

IL EST TRÈS INSTRUCTIF DE CREUSER LES DONNÉES DE NOTRE ORGANISATION ET DE LES COMPARER, SOUS DIFFÉRENTS ANGLES, AVEC CELLES DES CONCURRENTS DIRECTS ET INDIRECTS.

C’est sans doute ce qui se passe au Conseil du patronat du Québec, à la CSN, à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, à la FTQ, à la FCCQ, à la CSQ, à la FCEI, à la FAE, au CQCD et au CCCD…

Une grave erreur serait de se dire : « Les associations syndicales ont toujours la même approche dans les médias, et celles du patronat, une autre ».

Les communicatrices et communicateurs à leur service sont très souvent des stratèges qui ont fait leurs preuves, et leurs présidentes et présidents sont des gestionnaires très articulés – pour qui les formations à la prise de parole et les messages clés n’ont plus de secrets !

Analysons la situation sous trois angles : le volume dans les médias traditionnels et les enjeux « Montréal » et « langue française ».

Les syndicats rayonnent le plus !

D’un point de vue quantitatif, ce sont les trois principaux syndicats au Québec qui, entre novembre 2020 et avril 2021, ont été les plus présents dans les médias traditionnels. Rien n’est plus normal puisque leurs instances sont très présentes dans les marchés de Montréal et Québec, de même qu’à travers les régions.

Source du visuel : Cision

Ainsi, la CSQ a obtenu 2803 retombées, contre 2526 pour la CSN et 2004 pour la FTQ. Les associations patronales ne sont pas en reste, quoique leur volume est moindre : 1442 pour la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI), 891 pour la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), 757 pour la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et 405 pour le Conseil du patronat (CPQ).

En creusant, différentes données parlent d’elles-mêmes. En voici quelques-unes tirées des 18 derniers mois :

  • à elle seule, la CCMM a obtenu plus de couverture médiatique que la Fédération qui parle au nom de toutes les autres chambres de commerce au Québec;
  • la couverture médiatique du CPQ a glissé depuis 18 mois;
  • la FCEI vient de connaitre une troisième demi-année consécutive en croissance;
  • la CSQ vient d’obtenir un plus grand volume d’attention médiatique que la FTQ et la CSN.

Qui a parlé au nom de Montréal ?

Source du visuel : Cision

Au cours des six derniers mois, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) s’est nettement démarquée dans l’actualité à propos d’enjeux typiquement montréalais :1218 retombées vs 616 pour la FCEI, 262 pour la FCCQ et 256 pour le CPQ.

Mais, attention au piège… Le volume de couverture fournit quelques indications, alors qu’une analyse fine du contenu procure les données précises que recherchent les gestionnaires des communications et la direction des organisations.

Dans ce cas-ci – en fonction d’objectifs et de stratégies définies en amont – ces résultats procurent probablement satisfaction aux organisations dont le volume est moindre.

Le Conseil du patronat et la langue française

Parlant de satisfaction…

Il était très facile de prédire que l’enjeu de la langue française allait demeurer « le pain et le beurre » des principales associations nationalistes au Québec – le MQF et la SSJB – au cours des six derniers mois ; c’est le cas depuis plusieurs décennies !

Ce qui surprend, c’est que le CPQ soit parvenu à générer 90 retombées dans les médias à propos de cet enjeu, soit davantage que la CSQ (77) et la CSN (46) !
Source du visuel : Cision

L’importance des données qualitatives

En creusant à travers les innombrables données quantitatives se trouvent… les qualitatives. Elles apportent des éclairages différents et complémentaires à la gestion.

Prenons, à titre d’exemple, cet éditorial d’Alexandre Sirois, dans La Presse+, dans lequel il souligne le côté pugnace du président de la FAE, Sylvain Mallette – allant même jusqu’à le comparer à l’ancien joueur des Nordiques, Dale Hunter !

Selon Mesure Média, le score de performance enregistré dans ce cas-ci au bénéfice de la FAE par son président est de 133 %. Pour un ex-enseignant, obtenir une telle note au-dessus du 100 % auquel il est habitué est une excellente nouvelle ! Source du visuel : La Presse+

À retenir :

  • Les associations patronales et syndicales évoluent. Ce serait une erreur d’analyser leurs stratégies et performances avec un regard passéiste…