Gestion de crises

Mauvais coup médiatique : Huawei

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   8 mars 2021

Il y a quelques jours, les médias de Québecor rapportaient qu’en décembre 2019, une entente a été signée entre le géant chinois Huawei et l’Université de Montréal pour un don de 3,9 millions $ visant à soutenir la recherche à son Département d’informatique et de recherche opérationnelle (DIRO).

Voici une question toute simple à la confrérie des communicatrices et communicateurs : ça rime à quoi

Huawei : dans l’actualité et… les universités

Il y a déjà un bon moment que ce géant des télécommunications a ciblé le Canada comme marché important – peut-être même avant la conception de son réseau 5G. Et qui dit Huawei dit Meng Wanzhou, la fille du fondateur qui a été arrêtée à Vancouver – ce qui est devenu un enjeu « journalistico-politique » qui captive surtout le Canada anglais.

CHACUN DES REPORTAGES PORTANT SUR CE DON A SUSCITÉ UN DÉFICIT DE RÉPUTATION À LA MARQUE HUAWEI. DANS CE CAS-CI, À TVA, IL S’AGIT D’UN SCORE NÉGATIF DE -145 %.
SOURCE DU VISUEL: TVA.CA

Dans le reportage de TVA, on apprend qu’au cours de la dernière décennie, Huawei a versé plus de 12 millions $ à divers projets au Québec, notamment à l’Université McGill (5,4 millions $) et à l’Université Laval (3,3 millions $). Puis, l’université de Montréal s’est ajoutée à ce groupe.

Et ce n’est pas tout : en novembre 2019, CBC dévoilait que Huawei avait déjà versé 56 millions $ en recherche universitaire au Canada  … avec l’appui du gouvernement du Canada !

LE SCORE NÉGATIF A ÉTÉ DE -160 % AVEC CE REPORTAGE DANS THE GLOBE AND MAIL.
SOURCE DU VISUEL: THE GLOBE AND MAIL

 

LES QUOTIDIENS ACCORDENT UNE ATTENTION SOUTENUE À HUAWEI, DONT LA PRESSE+ ET THE TORONTO STAR.
SOURCE DU VISUEL : CISION

Peut-on appeler ça de la générosité ? Une contribution visant à atténuer le sous-financement universitaire ?

QUI CROIRA QUE CES DIZAINES DE MILLIONS ONT ÉTÉ VERSÉS DANS LE BUT VÉRITABLE D’AIDER, SELON DES VALEURS COMMUNES AVEC LES UNIVERSITÉS ?

Il y a fort à parier que ces décisions n’ont pas été prises par des communicateurs qui ont analysé ces projets avec leur prisme d’affaires publiques…

Donner « pour vrai ». Sinon…

Durant plusieurs décennies, la notion de citoyen corporatif était qualifiée. En effet, les communicateurs parlaient du rôle de « bon citoyen corporatif » – c’était à l’époque des actions et des communications unidirectionnelles du type « Voici ce que nous avons à vous donner. Dites-nous merci ! ».

Heureusement, la société a beaucoup changé.

LA SINCÉRITÉ DU CITOYEN CORPORATIF EST SCRUTÉE À LA LOUPE. PARFOIS SALUÉE ET… TRÈS SOUVENT CRITIQUÉE !

Il y a déjà un moment que l’acceptabilité sociale s’impose au cœur de tout projet de développement ou de transformation d’un milieu de vie. L’enjeu principal ? Le respect des publics qui doit être limpide comme de l’eau de roche.

Sinon… Les critiques dans les médias sociaux et traditionnels seront innombrables et engendreront un imposant déficit de réputation.

Par exemple, la direction de l’entreprise qui souhaite s’implanter dans un secteur sensible écoute-t-elle « pour vrai » ou… laisse-t-elle plutôt l’impression qu’elle le fait ? Rappelons-nous le projet Royalmount, qualifié de « controversé » dès le jour 1…

C’est la même chose avec l’acceptabilité sociétale : s’agit-il d’une entité qui arrive avec ses gros sabots et son carnet de chèques afin de marquer un territoire et se rendre difficile à « tasser » ?

Ou plutôt, d’une organisation qui veut être utile « pour vrai » ?

En 2001, le pharmacien Jean Coutu avait versé – via la Fondation Marcelle et Jean Coutu – un don substantiel de 12,5 millions $ à l’Université de Montréal.

L’a-t-il fait pour augmenter les ventes dans ses pharmacies de détail ? Bien sûr que non. D’ailleurs, la couverture médiatique à ce sujet avait été famélique…

Monsieur Coutu a été généreux envers son alma mater, c’est aussi simple que ça. Personne, sur la place publique, n’a douté que la sincérité de cette contribution – il faut dire que les médias sociaux venaient à peine de prendre leur élan !

Au Québec, cette contribution demeure un modèle de « générosité pour vrai ».

« Se coller » sur la marque Huawei ?

Semaine de relâche ou non, la médiatisation du don de Huawei à l’Université de Montréal a sans aucun doute été remarquée par deux de ses publics clés : le corps professoral et les étudiantes et étudiants.

Dans les universités, il est de plus en plus fréquent de se tenir à l’écart de mots et de pages de livres qui heurtent. Pourrait-on assister, à l’Université de Montréal, à une « distanciation socio-politique » de plus de deux mètres à l’égard d’une marque controversée pour plusieurs raisons ?

Un grand défi de communication attend les gestionnaires de Huawei au Québec et au Canada !

À retenir :

  • Plus que jamais dans la gestion des communications – et ça ira en s’amplifiant – les tentatives de duperie doivent être évitées.
  • La transparence est essentielle. Autrement dit : être très à l’aise de dire ce que l’on fait, et faire ce que l’on dit !