Analyse de presse

Quand une vedette personnalise une cause

Par Caroline Roy   |   29 avril 2014

Quand une personnalité publique s’approprie une cause sociale, nous pouvons être certains d’une chose : sa médiatisation sera augmentée. Encore plus, quand cette personnalité publique « vit » personnellement la cause en question. Elle devient une porte-parole à la puissance 10, tels Pierre Bruneau et le cancer infantile, Martin Matte et les traumatisés crâniens, Pierre Lavoie et l’activité physique chez les jeunes, Jasmin Roy et l’intimidation.

Radio-Canada.ca
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Ce qui nous amène à traiter du récent débat sur la procréation assistée qui implique l’animateur et comédien Joël Legendre et son conjoint.

Les deux hommes ont présentement recours à une mère porteuse, qui est enceinte de leurs jumelles. La fécondation a été remboursée par l’État québécois, d’où le présent débat…

À peine assermenté, le nouveau ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a dû se prononcer sur ce dossier.

 

Combien ça vaut ?

Vendredi dernier, trois éditoriaux simultanés ont été publiés sur le sujet dans La Presse, Le Soleil et Le Devoir. Une soixantaine d’articles en 48 heures, plus de 200 mentions de ce sujet à la radio et à la télévision. Et pour finir la semaine : une entrevue de Joël Legendre à Tout le monde en parle (TLMEP).

Joël Legendre a d’ailleurs réservé ses commentaires sur le débat à TLMEP, déclinant toutes les autres demandes d’entrevues. La stratégie de se présenter uniquement au confessionnal de Guy A. Lepage est de plus en plus retenue, car elle assure une grosse visibilité avec des cotes d’écoute autour du million. Mais elle ne respecte pas l’équité envers les autres médias – qui sont pourtant toujours enclins à promouvoir les activités de Joël Legendre lorsqu’il a besoin d’eux…

Les commentaires sur cet enjeu sont mitigés pour les couples homosexuels qui souhaitent, comme l’animateur, avoir recours à une mère porteuse. Joël Legendre causera-t-il un précédent favorable ou défavorable aux couples dans cette même situation ?

Les trois éditoriaux dans les quotidiens représentent, malgré tout, un gain de réputation de 35 340 $ pour l’enjeu de la procréation assistée, selon notre outil d’analyse des médias mesure-d. Bien que critiques, ces éditoriaux posent des questions qui pourraient faire évoluer le débat dans un sens comme dans l’autre, ce qui explique cette valeur en dollars. 

 

Une cause de vedettes

La question : est-ce que ce débat aurait reçu autant de couverture si l’un des pères dans cette histoire n’était pas connu ? Bien sûr que non… D’ailleurs, Radio-Canada rapportait que Joël Legendre n’était pas le premier père gai à être remboursé pour le traitement in vitro avec une mère porteuse. Mais l’histoire de ces deux hommes du Saguenay est loin de s’être retrouvée sur le radar médiatique…

En soi, ce n’est pas une mauvaise chose que cet enjeu soit médiatisé grâce à Joël Legendre. Il est d’intérêt public de savoir jusqu’à quel point l’État doit rembourser les traitements de procréation assistée. Surtout en ces temps de compressions budgétaires, diront certains…

Ironie du sort : c’est une autre personnalité publique, Julie Snyder, qui avait aussi propulsé dans l’espace public le projet de rembourser la procréation assistée aux couples infertiles.

Depuis 2008, des centaines d’articles dans les journaux et les principaux sites Web d’information ont été écrits sur la croisade de l’animatrice de TVA pour la procréation assistée. Julie Snyder a gagné sa cause.

En sera-t-il de même pour le cas présent ?