Sans nom, ni logo : le triomphe médiatique du hockey féminin
Les bons coups médiatiques sont rares en ce début 2024. Rares, mais… il y a une exception. Une équipe cartonne dans les médias et auprès du public sans nom officiel, sans logo et sans chandail définitif à vendre : l’équipe de Montréal de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin.
Portée par ses vedettes québécoises, la joueuse Marie-Philip Poulin, la gardienne Ann-René Desbiens et la directrice générale Danièle Sauvageau, l’équipe de Montréal et la LPHF ont suscité l’engouement des médias traditionnels et numériques, accumulant plus de 5 375 mentions depuis le 1er janvier. Jusqu’à maintenant, la stratégie pour faire connaître l’équipe repose essentiellement sur les relations de presse et une visibilité accrue sur les médias sociaux. Aucune campagne publicitaire massive et spécifique à Montréal n’a été déployée pour séduire les amateurs.
En janvier, dans la presse écrite au Québec, la nouvelle équipe féminine a obtenu près de deux fois plus de couverture médiatique que le CF Montréal, et près de trois plus que les Alouettes n’en ont eu en octobre !
Quels sont les cinq éléments qui expliquent le succès médiatique de cette nouvelle équipe ? Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?
1. Un phénomène de société
Depuis plus d’une dizaine d’années, le hockey féminin tente de s’imposer auprès des amateurs de notre sport national. À coup de médailles d’or aux Jeux olympiques et aux Championnats du monde, d’une profonde rivalité Canada-États-Unis et d’équipes locales (les Canadiennes de Montréal, la Force, etc.), les joueuses sont devenues des athlètes reconnues. Elles s’inscrivent aussi dans la société actuelle, qui valorise la diversité et l’inclusion dans toutes les sphères d’influence.
Les planètes sont maintenant alignées – et une seule ligue solide regroupe les meilleures joueuses – ce qui explique que la popularité du hockey féminin soit en progression. D’ailleurs, la firme Deloitte prévoit que le sport féminin d’élite générera des revenus de 1,3 milliard US cette année. C’est trois fois plus que ses prévisions d’il y a trois ans, comme nous le rapporte le chroniqueur de La Presse, Alexandre Pratt. L’équipe de Montréal s’inscrit parfaitement dans ce phénomène.
2. Des relations de presse grand public et nichées
D’emblée, la récente notoriété de l’équipe féminine de Montréal a surtout reposé sur des relations de presse. C’est probablement une combinaison entre des émissions à grande écoute, comme Tout le monde en parle, et des médias plus nichés, comme le balado Femme d’Hockey, qui a porté ses fruits.
Depuis le début de sa saison le 2 janvier, l’équipe de Montréal a profité de l’actualité toujours au ralenti en début d’année pour occuper l’espace médiatique, notamment avec plusieurs entrevues de la DG Danièle Sauvageau sur les premiers matchs dans la ligue.
Signe de l’intérêt, Radio-Canada, entre autres, a dédié une journaliste, Christine Roger, à la couverture de l’équipe, et ce, depuis l’automne dernier.
Et au match d’ouverture le 13 janvier, à l’Auditorium de Verdun, une centaine de membres de médias ont été accrédités. Dans un contexte de coupures dans les salles de nouvelles et la rareté des journalistes, surtout les fins de semaine, c’est énorme !
3. Un engouement sur les réseaux sociaux
Au-delà des comptes de l’équipe sur Facebook, Instagram, X et TikTok, les fans s’activent également sur des groupes de discussion. Sur Facebook, le groupe LPHF/PWHL compte près de 16 000 membres. Les amateurs y discutent, non seulement, des matchs, mais aussi du prochain logo et nom de l’équipe.
Des graphistes en herbe (ou non) y proposent de nouveaux chandails avec un logo original. D’autres membres de la communauté spéculent ardemment du prochain nom que devrait avoir l’équipe.
4. Des pièges évités
Bien que tout n’ait pas été parfait, l’équipe de Montréal a évité quelques pièges, notamment entourant la langue. D’abord, l’entraîneuse-chef, Kori Cheverie, ne parle pas du tout français. Pourtant, lors de la conférence de presse qui a suivi le match inaugural, elle a néanmoins prononcé quelques mots dans la langue de Molière, surtout pour demander de la patience à son endroit alors qu’elle apprend auprès d’un professeur attitré.
Heureusement, plusieurs joueuses sont originaires du Québec et assurent les entrevues en français. L’équipe devra quand même être vigilante… À la longue, les éléments promotionnels uniquement en anglais ou les erreurs sur le site web pourraient attirer les critiques.
5. L’authenticité en 2024
Plusieurs amateurs affirment que « pour 25 $, c’est le meilleur spectacle en ville ! ».
Pourquoi ? Probablement, parce qu’il se dégage une authenticité chez les joueuses. Elles se démènent sur la glace, remercient chaleureusement les partisans et dansent sur les chansons de la Compagnie Créole après une victoire. Aucune ne baigne dans les millions de dollars. Dans les gradins, l’ambiance est festive, surtout lors du dernier match à la Place Bell qui s’est déroulé devant plus de 8 600 partisans.
L’authenticité, ça ne se fabrique pas. Ça émerge de personnes vraies et heureuses, réunies autour de valeurs communes. C’est le cas ici.
En résumé, l’engouement médiatique est au rendez-vous pour la nouvelle équipe de hockey féminin. Prochain défi : le faire durer dans le temps et trouver un logo et un nom qui feront consensus !