L’après-crise du CH et les excuses de Geoff Molson
Récemment, à Montréal, il y a fort à parier que plusieurs dirigeants d’entreprises privées ont décidé de remplacer l’un de leurs gestionnaires par un adjoint dynamique, compétent et unilingue anglophone. Mais, dans un cas en particulier, un tel changement a provoqué un véritable « tsunami » dans le cœur de dizaines de milliers de Québécois francophones.
Pourquoi ? Permettez-moi de me transformer en « gérant d’estrade »…
Communication ou gestion ?
La nomination de Randy Cunneyworth constitue essentiellement un enjeu de gestion. Un enjeu qui a eu d’énormes répercussions parce qu’à peu près tout ce qui touche de près ou de loin au CH est communiqué, 12 mois par année, à la vitesse de l’éclair !
Revenons sur quelques-uns des aspects de ce qui est survenu :
- comme toute organisation, le Canadien se devait de préparer quelques « plan B » à Jacques Martin. Or, il semble que Randy Cunneyworth était déjà l’homme identifié par le tandem Gauthier-Martin pour éventuellement prendre la relève derrière le banc du CH. Dans le sport professionnel, la préparation d’une relève auprès d’une personne à remplacer éventuellement – avec son accord – est très rare ; c’est un signe de maturité et, donc, tout à l’honneur de la direction du Canadien (bon coup de gestion);
- … mais si, effectivement, Cunneyworth était en préparation, comment se fait-il qu’on ne lui ait pas fait prendre des cours de français depuis son arrivée au sein de l’organisation du CH, il y a environ 18 mois ? (erreur de gestion) ;
- tout aussi ambitieux qu’unilingues, pourquoi Randy Cunneyworth et autre prétendant au poste, Kirk Muller, n’ont-ils pas pris l’initiative de suivre des cours de français ? (erreurs de gestion… de carrière !);
- le 17 décembre dernier, au moment de sa conférence de presse, Pierre Gauthier n’a même pas suggéré à « Monsieur Cunneyworth » de dire, ne serait-ce que « Bonjouuur, je souis heureux de diriger les Canadians. Et je vais apprendre la française rapidement, promis ! ». Voilà un véritable manque de sensibilité de la part du CH (erreur de communication) ;
- le 7 janvier dernier, tout de suite après la manifestation (réussie) organisée par le Mouvement Québec Français pour dénoncer l’embauche d’un entraîneur-chef unilingue anglophone, la musique d’ambiance était très majoritairement francophone au Centre Bell (bon coup de communication).
Depuis maintenant 226 ans, la famille Molson est intimement liée à la vie économique, culturelle et sportive de Montréal. Elle est, à ce titre, un exemple à suivre. Pour sa part, Geoff Molson est un peu comme Obélix : il est tombé dans un baril de bière dès son enfance… puisqu’il est l’un des membres de la 7e génération de Molson à vivre à Montréal. Il parle parfaitement le français.
Geoff Molson doit à la fois diriger une entreprise privée qui
lui appartient et… une institution plus grande que nature, qui ne lui appartient pas !
Alors que de nombreux dirigeants d’organisations québécoises au rayonnement international ne parlent pas français – rappelons-nous les cas récents à la Caisse de dépôt et placement du Québec et la Banque Nationale – je crois, tout comme la majorité des Québécois, que l’entraîneur de la Sainte-Flanelle doit absolument parler français.
Or, en appuyant Pierre Gauthier dans la nomination de Randy Cunneyworth, Geoff Molson a principalement pensé à SON entreprise, sans évaluer l’impact sur l’institution qui appartient aux Québécois… et surtout, sans anticiper les considérations autres que celles du hockey !
Avoir les moyens de repousser l’après-crise…
Pourtant, alors que pratiquement tous les gestionnaires implorent les saints du ciel pour que la crise à laquelle ils sont confrontés se termine au plus vite, Geoff Molson a décidé que celle qui secoue le Canadien se terminera… quatre mois après qu’elle ait débuté, soit – j’en fais une prédiction – le lundi 9 avril prochain, au surlendemain du dernier match de la saison régulière (en présumant que le CH ne participera pas aux séries de fin de saison).
Pourquoi Geoff Molson se permet-il de repousser ainsi l’après-crise ? Parce que, même avec un entraîneur anglophone et la manifestation des groupes nationalistes, le Centre Bell demeure archi plein… donc très payant !
Les trois décisions importantes de Geoff Molson
Cette crise ne serait jamais survenue si l’organisation avait véritablement été en mode « mesure de la sensibilité du public ». Mais, une fois plongé dedans, M. Molson avait, selon moi, trois décisions importantes à prendre :
- la première : ne pas paniquer…ce qui aurait pu l’inciter, sous la pression populaire, à intervenir pour congédier son directeur général. Or, il se serait discrédité lui-même puisqu’à titre de président et principal actionnaire de l’équipe, Geoff Molson avait approuvé cette décision ;
- la deuxième : ne pas s’adresser directement aux médias. M. Molson a plutôt choisi de faire diffuser un communiqué de presse dans lequel il insistait sur l’aspect intérimaire de la décision prise par son directeur général. Je considère que ce fut une bonne décision puisque, de toutes façons : en plein « tsunami », aucun de ses propos n’aurait reçu l’attention qu’il aurait souhaitée de la part des partisans enragés par sa décision.
- la troisième décision, je suis convaincu que M. Molson – un homme brillant, solidement enraciné à Montréal et bien entouré – l’a déjà prise. Ça sera de s’excuser.
Conclusion
Il existe deux sortes d’excuses publiques : les « larmes de crocodile » et les sincères.
J’ose avancer ce que Geoff Molson devrait déclarer publiquement (et sincèrement) dans le message suivant, lorsqu’il annoncera un probable « ménage du printemps » à l’étage des décisions du Centre Bell :
« Je présente mes excuses aux amateurs du Canadien qui ont été choqués par le fait que nous avons fait appel, même sur une base intérimaire, à un entraîneur unilingue anglophone. Monsieur Cunneyworth est, sans l’ombre d’un doute, un entraîneur de talent qui a une belle carrière d’entraîneur devant lui. Mais le Canadien de Montréal doit être dirigé par un entraîneur non seulement compétent et passionné, mais aussi bilingue. Je laisse le soin à notre directeur général de vous en dire davantage à ce sujet ».
D’après vous, de quel directeur général s’agira-t-il ?