Le bon coup médiatique de la semaine: Jane Philpott
S’il existait une version canadienne de House Of Cards, même des scénaristes très créatifs n’auraient certainement pas imaginé la démission de la présidente du Conseil du trésor en guise de désaveu de la gestion du dossier SNC-Lavalin par son patron !
JANE PHILPOTT VIENT DE DONNER UNE LEÇON DE GESTION À TOUS LES DIRIGEANTS ET GESTIONNAIRES : CE N’EST PAS LA QUANTITÉ DE LA COUVERTURE MÉDIATIQUE QUI COMPTE, C’EST LA QUALITÉ.
Au-delà du côté spectaculaire de sa démission – et de son « timing » – l’ex-ministre très respectée à Ottawa vient de donner une leçon de gestion de réputation à tous les dirigeants et gestionnaires d’entreprises et organisations publiques et privées : ce n’est pas la quantité de la couverture médiatique qui compte, c’est la qualité.
En effet, parmi les très médiatisés Justin Trudeau, Jody Wilson-Raybould (près de 10 000 retombées en deux jours !) et Gerry Butts (plus de 7000 durant la même période), la palme de la semaine revient à Jane Philpott : moins relayée que les autres par les médias québécois et canadiens (tout juste 4000), mais… elle est la seule qui s’en sort avec un énorme gain de réputation !
Rappel des faits
- Le 27 février, l’ancienne Procureure générale du Canada et Ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a témoigné devant le Comité de la justice de la Chambre des communes afin de donner « sa vérité » – c’est ainsi que le Premier ministre Trudeau positionnait son intervention;
- Comme une trainée de poudre, le témoignage de cette ex-ministre a été jugé tellement crédible par les citoyens qui la connaissaient peu qu’il a fait chuter les intentions de vote envers le Parti libéral du Canada… au sein duquel elle a l’intention de continuer de siéger;
- Le 4 mars, coup de théâtre : la ministre Jane Philpott – qui occupait la troisième plus importante fonction au sein du gouvernement du Canada – claque la porte. Dans une lettre de démission écrite dans les deux langues officielles et qui a été largement diffusée dans les médias traditionnels et sociaux, elle a servi une volée de bois vert au Premier ministre pour sa gestion de « l’affaire SNC-Lavalin »;
- Durant les derniers jours, Justin Trudeau a été qualifié « d’antiféministe » par plusieurs médias – faisant même l’objet de la une du National Post, mardi, avec le titre suivant en majuscules : « DOES TRUDEAU HAVE A WOMEN PROBLEM? ». Sa gestion lui a même valu l’assaut suivant de la part du Globe And Mail, le 2 mars : « With SNC-Lavalin, Canada’s political theatre finally trumps America’s » et la une dévastatrice de la plus récente édition du MacLeans : « The Imposter »…
- Jour après jour, plusieurs des ministres du gouvernement Trudeau – notamment Philippe-François Champagne, Mélanie Joly, Marie-Claude Bibeau, Chrystia Freeland et Catherine McKenna – sont montés aux barricades pour défendre le patron : ses valeurs humaines, son féminisme, etc.;
- Le 6 mars, Gerry Butts – l’ombre de Justin Trudeau depuis les bancs de l’Université McGill et son « bras droit » au cabinet du PM jusqu’à tout récemment – a comparu devant le même comité fédéral. Malgré une version aussi précise que différente de celle de Mme Jody Wilson-Raybould, les analystes des médias canadiens sont d’un même avis : la version de l’ex-ministre l’emporte;
- Enfin, le 7 mars, lors d’une conférence de presse plus qu’attendue, le Premier ministre Trudeau sort de son mutisme… pour ne rien apporter de neuf. Résultat : la couverture médiatique qui en a découlé a continué d’augmenter son déficit de réputation des dernières semaines.
Combien ?
NOUS ASSISTONS À UNE GUERRE DE RÉPUTATION ENTRE MESDAMES WILSON-RAYBOULD ET PHILPOTT ET MESSIEURS TRUDEAU ET BUTTS.
Au cours de la dernière semaine, avez-vous remarqué que les médias ne parlent à peu près plus du fond de « l’Affaire SNC-Lavalin » ? Celle-ci est devenue le prétexte pour une guerre de réputation entre, d’une part, Mmes Jody Wilson-Raybould et Philpott et, d’autre part, MM. Trudeau et Butts.
Mesure Média a analysé deux retombées :
- François-Philippe Champagne, ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, Puisqu’il faut se lever, 98,5 FM, 5 mars 2019. Entrevue de 9 minutes. Bien que la présentation du sujet soit négative, les autres variables sont plutôt neutres, dont le ton et le traitement journalistique. Déficit de réputation de – 4 210 $ pour le gouvernement Trudeau ;
- Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture, 24 /60, ICI RDI, 5 mars 2019. Entrevue de 10 minutes. Une majorité de variables sont négatives, dont la présentation du sujet et le traitement journalistique. Déficit de réputation de – 2 770 $ pour le gouvernement Trudeau.
Contrôler le message : « Timing Is Everything » !
La première chose que les gestionnaires demandent généralement à leurs communicateurs – à l’interne et aux consultants – est la même : « Nous devons contrôler notre message ! » Comme si c’était toujours facile…
Que vous soyez au sein d’une PME, d’un OSBL, d’une entreprise privée, dans la fonction publique ou en politique, il y a un élément qui est toujours dans nos mains au début d’une situation de crise : le contrôle du temps.
Prenons « l’Affaire SNC-Lavalin » : il y a fort à parier que si Justin Trudeau avait pris le taureau par les cornes il y a un mois, devant l’opinion publique, sa ministre Jane Philpott et son « bras droit » seraient encore à ses côtés.
Et maintenant…
Voici une suggestion à Justin Trudeau en cette Journée internationale de la femme : se blottir dans les bras de sa conjointe Sophie Grégoire et se faire fredonner la reprise du succès de Renée Claude, lancé aujourd’hui par un bouquet de grandes voix : Tu trouveras la paix dans ton cœur…
Chaque vendredi, Mesure Média présente le gain de réputation (ou le déficit) enregistré par une marque, une organisation ou une personnalité au cours de la semaine.
Note: Après avoir tenu compte du coût publicitaire avant négociation d’une retombée de presse, nous évaluons différentes variables d’analyse afin d’établir le gain ou le déficit de réputation de la retombée. Le gain ou le déficit de réputation (en dollars) d’une retombée est calculé à partir de plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs pondérés, dont le traitement journalistique accordé au message ainsi que les aspects graphiques et visuels.