Le (mauvais) coup médiatique de la semaine: les policiers
Comme carrière, ils et elles ont choisi de faire respecter la loi et, par le fait même, d’être eux-mêmes respectés et admirés.
Pourtant, à Montréal, depuis quelques années – et particulièrement en 2017 – les policiers et leur employeur ont grandement abîmé deux marques auparavant très fortes : le SPVM et la Fraternité des policiers et policières de Montréal.
Combien?
Affirmer que les policiers montréalais ont mauvaise presse serait un euphémisme. Regardons quelques données :
Une image vaut mille mots : nous voyons continuellement dans les médias des policiers portant des pantalons colorés et la casquette de leur syndicat. En effet, 43 % de la couverture sur leur « uniforme » provient de la télévision.
La quantité depuis bientôt 17 mois est très impressionnante : 1 260 retombées, dont 30 % dans les médias anglophones. Et le déficit de réputation – qu’il est possible de mesurer – l’est tout autant.
Est-ce que le SPVM a souhaité quelque 4 235 retombées de presse portant sur « L’Affaire Lagacé » ? Poser la question, c’est y répondre. Fait à remarquer : seulement 40 % de celles-ci se sont retrouvés dans des médias montréalais, la nouvelle ayant été reprise dans tous les marchés du Québec – principalement à la radio (55 %), à la télévision (22 %) et sur le web (18 %).
Un directeur de police du SPVM travaille généralement dans l’ombre et n’intervient sur la place publique qu’à de rares moments. En poste depuis moins de deux ans, Philippe Pichet a généré 59 % de la couverture accordée à cette fonction, contre 41 % pour son prédécesseur Marc Parent… en cinq ans. Total des retombées : 7 099.
Que s’est-il passé?
Il suffit de mentionner « SPVM », « pantalons de clowns » et « manif des policiers le 17 mai » pour que les gens de tous les âges et milieux grimacent. Pourquoi?
Même si l’impression de sécurité n’est pas affectée, le lien de respect qui unissait les marques SPVM et Fraternité des policiers de Montréal à la population est rompu.
Tant l’institution (le Service de police de la Ville de Montréal) que les hommes et femmes qui portent l’uniforme (ou du moins, une partie de celui-ci depuis maintenant trois ans) enregistrent un important déficit de réputation. S’est ajouté dans l’actualité le syndicat des policiers et policières et son très médiatisé président, Yves Francoeur.
LE LIEN DE RESPECT QUI UNISSAIT LES MARQUES SPVM ET FRATERNITÉ DES POLICIERS À LA POPULATION EST ROMPU.
À tous les jours, les médias traditionnels et sociaux malmènent des organisations. Et ce, à cause de raisons qui sont souvent les mêmes, dont celles-ci:
- des décisions de gestion, prises dans un contexte donné et selon une certaine logique, mais qui sont sorties de leur contexte et se retrouvent dans les médias. Elles deviennent alors souvent difficiles à justifier ;
- croire que ce qui est considéré comme une injustice, à l’interne, sera perçu de la même façon par les différents publics externes ;
- des moyens de pression qui ont l’effet boomerang et font… plutôt pression contre ceux et celles qui les ont initiés.
À titre de communicateur, trois faits me sautent particulièrement aux yeux :
- « l’Affaire Lagacé » a unifié l’équipe de La Presse et l’ensemble de la confrérie journalistique derrière le chroniqueur vedette et, conséquemment, contre le SPVM. Il s’agit d’une décision de gestion qui a eu, a et aura amplifié le déficit de réputation du SPVM au tribunal de l’opinion publique, et ce, pour de très nombreuses années ;
- que les policières et policiers se considèrent lésés par un réaménagement à leur régime de retraite, c’est une chose. Mais, leurs moyens de pression pour le moins colorés n’ont jamais touché le coeur des contribuables – dont très peu ont eux-mêmes un fonds de pension digne de ce nom – et sont demeurés les mêmes ;
- lors des festivités du 17 mai dernier, les policiers ont commis une grave erreur de stratégie en manifestant bruyamment et en embêtant les « petites familles » (dixit le maire Coderre).
Pourtant, la journée d’anniversaire procurait aux policiers et policières une occasion en or de revêtir leurs uniformes qui s’empoussièrent dans leurs placards… Ils auraient assurément fait la manchette, grâce à leur geste surprise qui aurait été salué, et ils auraient pu ramener dans l’actualité l’enjeu qu’ils revendiquent. Ils ont plutôt préféré la perturbation d’un événement – ce qu’ils déplorent au quotidien!
Deux exemples
Parmi la quantité gigantesque de retombées négatives, nous en avons analysé deux :
- TVA Nouvelles, 17 mai, 22 heures
Un très long reportage favorable suivait l’illumination en direct du Pont Jacques-Cartier. Ici aussi, la manifestation des policiers a déplu. Gain de réputation de 104 315 $ pour le Pont Jacques-Cartier et déficit de – 37 125 $ pour la Fraternité des policiers et policières de Montréal.
Cette retombée a été évaluée au bénéfice du Pont Jacques-Cartier – notre chronique de la semaine dernière – et également pour la Fraternité des policiers et policières de Montréal.
Le Maire Coderre vantait le Pont Jacques-Cartier illuminé et annonçait la tenue d’une 2e représentation spéciale, tout en estimant que la manifestation des policiers a gâché la fête des Montréalais. Gain de réputation de 38 570 $ pour le Pont Jacques-Cartier et déficit de – 25 865 $ pour la Fraternité des policiers et policières de Montréal.
Un revirement est-il possible?
Est-il possible de croire que les marques mal-aimées SPVM et Fraternité des policiers et policières de Montréal pourraient transformer positivement leur réputation?
Oui, c’est possible. Plusieurs étapes seraient à franchir, et ce, sur une longue période – les deux premières étant sans doute les plus difficiles de la lignée, dans ce cas-ci : reconnaître des erreurs et s’excuser sincèrement.
Dans le passé, des organisations d’importance – notamment le Club de hockey Canadien et la SAQ – ont relancé leur réputation après avoir connu des années très difficiles.
Il est à souhaiter que les policiers montréalais redeviennent respectés – et mêmes admirés – par le public de tous les âges, comme le sont Nadine, Patrick, Daniel, Isabelle et Bruno dans District 31 !
Chaque vendredi, Mesure Média présente le gain de réputation (ou le déficit) enregistré par une marque, une organisation ou une personnalité au cours de la semaine, grâce à une ou à quelques retombées de presse.
Note: Après avoir déterminé le coût publicitaire avant négociation d’une retombée de presse, nous évaluons différentes variables d’analyse afin d’établir le gain ou le déficit de réputation de la retombée. Le gain ou le déficit de réputation (en dollars) d’une retombée est calculé à partir de plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs pondérés, dont le traitement journalistique accordé au message ainsi que les aspects graphiques et visuels.