Marshall McLuhan et les médias sociaux
Né il y a 100 ans cette année, que dirait Marshall McLuhan à propos des médias sociaux ? Essayons d’imaginer…
Après avoir grandi à Edmonton, Marshall McLuhan a fait carrière comme enseignant dans différentes universités des États-Unis et du Canada, en plus d’écrire plusieurs ouvrages renommés. En 1946, il déménage à Toronto pour y enseigner la littérature anglaise au collège catholique St. Michael, qui fait partie de l’Université de Toronto. En 1962, McLuhan annonce que nous quittons la « Galaxie de Gutenberg » pour entrer dans la « Galaxie de Marconi ». Il reste dans la Ville-Reine jusqu’en 1979, essentiellement comme chef du Centre for Culture and Technology. Il meurt en 1980 à l’âge de 69 ans.
« Le message, c’est le médium »
L’idée maîtresse que l’on retrouve à travers les ouvrages de McLuhan tient en une seule phrase: « Le message, c’est le médium ». Ce qu’il affirmait est très simple : ce n’est pas le contenu qui affecte la société, mais le canal de transmission lui-même.
Un exemple simple permet de mieux saisir cette affirmation: l’imprimé est un média, puisqu’il permet de transmettre une information entre un émetteur vers un récepteur.
McLuhan situait le message non pas dans le seul sens exprimé par l’émetteur, mais dans la combinaison unique de l’effet message / média (pragmatique de la communication). Ainsi, l’expérience vécue du média utilisé (téléphone, Internet, etc.) est remise en premier plan, subordonnant le message au média, et inversant ainsi la traditionnelle opposition fond / forme.
En énonçant que le média est le message, Marshall McLuhan affirmait entre autres que le fond (l’important) c’est la forme prise par le média (l’effet de la technologie), ainsi que sa combinaison avec son message.
Selon lui, les exemples allaient se multiplier naturellement à « l’âge électronique », qu’il a surtout connu à la fin de sa vie. Par exemple, une conversation identique transmise de personne à personne, par le téléphone ou par le biais de la messagerie instantanée est vécue différemment selon son mode de transmission.
McLuhan classait les médias en deux grandes catégories :
- d’un côté, les « chauds », qui ne demandent la participation que d’un seul de nos sens. L’information reçue par ce sens étant d’entrée de jeu très riche, la participation du cerveau est faible ;
- de l’autre, les « froids », qui s’adressent à plusieurs sens et sont plutôt pauvres. Ils demandent de la part du récepteur une participation très importante pour compenser cette pauvreté.
Ainsi, à cause de la très grande différence de qualité des images, le cinéma est « chaud », alors que la télévision est « froide ».
Puis vint l’âge Internet…
Tout comme les plus brillants de sa génération et les suivantes, monsieur McLuhan n’a pu imaginer précisément la suite, qu’il aurait probablement appelé « l’âge Internet ».
Chose certaine : quand il disait que ce n’est pas le contenu qui affecte la société, mais le canal de transmission lui-même, on pourrait croire qu’il parlait des médias sociaux !
Mais, ceci dit : si la puissance de l’Internet est exponentielle, c’est parce que le phénomène est beaucoup plus large que la technologie. C’est assurément à cause… du contenu !
On trouve de tout sur internet : à la fois du contenu riche et formidable (on peut par exemple visiter le Louvre depuis son salon !) jusqu’aux banalités (comme lire sur Twitter que beaucoup de gens attendent devant Pierre-Jean-Jacques pour changer leurs pneus…).
… et celui du positionnement des spécialistes
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (note aux plus jeunes : c’était en 1945…) tous les spécialistes en publicité, promotion, recherche marketing, relations publiques et marketing direct revendiquent la « pole position » pour influencer les gens – qu’ils soient consommateurs, citoyens, employés, actionnaires, etc.
Et qui dit « influence » dit assurément aujourd’hui « médias sociaux ».
Donc, faut-il se surprendre que dans toutes les sphères de notre vaste industrie qui est en transformation continuelle, tous et chacun souhaite se distinguer comme étant spécialiste des médias sociaux ? L’avenir économique s’y trouve… du moins en partie. Et l’influence aussi !
Les relations publiques ou le digital ?
Dans une récente édition du Marketing Magazine, deux spécialistes revendiquaient cette « pole position ».
Selon Natasha Koifman, présidente de NKPR (une firme de New-York et Toronto) : “On behalf of clients, PR agencies are constantly creating content disseminating it and gauging the reaction to it. To those of us in PR, content isn’t just words on an iPhone or laptop, it’s a relationship-builder that allows us to connect consumers to brands in an engaging way. For us, it isn’t just about the medium, it’s about the message. (Sorry Marshall, I couldn’t resist).”
Pour sa part, David Jones, vice-président de Proximity Canada (une firme implantée à Toronto et Montréal), fonce droit devant : “With no larger commons that than the World Wide Web, how can we not see the digital agency as the keeper of a company’s reputation flame ? (…) The digital agency is looking at your reputation in 360 degrees, three dimensions and 24/7. (…) Who else but a digital agency can facilitate real public relations at its most visceral, complex and at scale?”.
À la différence de David Jones qui tire la couverte sans nuances vers son champ d’action, Natasha Koifman répond ainsi à sa dernière question : “A PR firm can. Good thing, there’s room for both of us !”.
Et Marshall McLuhan… Que dirait-il en 2011 ?
a) « Le message, c’est encore le médium » (même avec l’avènement des médias sociaux)
b) « Le message est devenu plus important que le médium »
c) « Le médium est devenu plus important que le message »
d) aucune de ces réponses…
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Je reviendrai sur les médias sociaux dans mon blogue du 14 avril.