Relations publiques

Mauvais coup médiatique : le 3e lien

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   7 juin 2021

On ne compte plus les exemples qui différencient la théorie et la pratique. Prenons celui-ci.

Le 12 mars dernier, le gouvernement du Québec a mis à jour sa définition de l’acceptabilité sociale Et le 17 mai, il confirmait son intention de construire un troisième lien – sous-fluvial, celui-là – entre Lévis et Québec.

Y a-t-il un lien ? Il devrait y en avoir un, alors qu’une stratégie d’acceptabilité sociale – aussi solide que le béton qui sera utilisé – n’a pas été imaginée, ni mise en place.

L’acceptabilité sociale, c’est…

L’acceptabilité sociale est un principe de gestion relativement nouveau – une décennie environ. Auparavant, l’approche d’un grand nombre de promoteurs et d’élus consistait souvent à dire ou à faire comprendre ceci : « Vous êtes chanceux qu’on implante ceci dans votre quartier, alors réjouissez-vous et on ne veut pas vous entendre… ».

Comme les choses ont changé en si peu de temps… et heureusement !

Voici quelques extraits de la définition de l’acceptabilité sociale tirée du site quebec.ca, et enrichie de deux vidéos :

« L’acceptabilité sociale :

    • est le résultat d’un jugement collectif, d’une opinion collective, à l’égard d’un projet, d’un plan ou d’une politique. Ce jugement peut être positif ou négatif et n’est jamais figé dans le temps;
    • ne se quantifie pas, elle se décrit. »

« Une démarche de participation publique amorcée tôt dans le processus d’élaboration du projet peut contribuer à une meilleure acceptabilité sociale de celui-ci. »

Cette définition est intéressante, mais incomplète. Elle devrait comprendre trois des piliers sur lesquels elle doit reposer :

TRANSPARENCE, CONVERSATION ET OUVERTURE : OÙ SONT CES TROIS PILIERS DANS LES COMMUNICATIONS DU 3e LIEN ?

  • Transparence… ce qui veut dire diffuser, dès le départ, toutes les informations d’intérêt public qui ne porteront pas préjudice aux parties prenantes;

 

  • Conversation… puisque l’acceptabilité véritable des différents points de vue doit être basée sur l’écoute et les échanges constructifs et respectueux;

 

  • Ouverture… en acceptant « pour vrai », dès le départ, que le projet envisagé devra être modifié en cours de route afin de tenir compte de la puissance – et de la pertinence – des points de vue exprimés par différents publics.

 

Sous l’angle de la communication, le 3e lien est bien mal parti…

Un positionnement clair, rapidement

DANS TOUT POSITIONNEMENT D’UN PROJET, D’UNE MARQUE OU D’UNE PERSONNALITÉ, IL EST ESSENTIEL DE SE DÉFINIR SOI-MÊME. SINON, VOUS POUVEZ COMPTER SUR VOS ADVERSAIRES POUR LE FAIRE… À LEUR FAÇON !

Dans le cas du 3e lien, beaucoup de questions sont restées en suspens – l’analyste Sébastien Bovet, de Radio-Canada, le rappelait au cours des derniers jours. Et, des études confirmant la pertinence du projet sous différents aspects n’ont pas été présentées lors du lancement.

C’est pourquoi, rapidement, le 3e lien est devenu une image dans l’esprit des Québécois : « le tunnel à 10 milliards $ » …

Et, quand une image négative se colle à un projet, les gens l’associent à ce qui les touchent : « Le gouvernement aurait dû mettre 10 milliards $ dans nos hôpitaux et la ventilation des écoles, ou aurait dû compléter et réparer tous les ponts et routes ! Etc. ».

Où est Transports Québec ?

Plutôt que de jouer à « Où est Charlie ? », voici un nouveau jeu : « Où est Transports Québec ? ».

Source du visuel : Transports Québec

Puisque le ministère des Transports du Québec est au cœur du 3e lien, serait-il normal que les faits saillants du plus important projet d’infrastructure des dernières décennies au Québec soit présenté sur la page d’accueil de son site ?

Devrait-on en parler dans les rubriques « Sujets de l’heure » ? Ou « Grands dossiers » ?

Il en a été question dans la section « Actualités » qui est enrichie continuellement par les plus récents communiqués. Et ceux des 17 et 28 mai ont été sortis de la page d’accueil…

Les « pour » et les « contre »

Dans tout enjeu d’acceptabilité sociale, il y a souvent, dans un important groupe appelé « neutres », ceux et celles qui observent ou ne se considèrent pas concernés. Et, bien sûr, des « pour » et des « contre » qui se font entendre !

C’est pourquoi, dans la gestion des communications d’enjeux médiatisés, plusieurs éléments doivent être analysés :

  • quel volume de couverture obtiennent les « pour » et les « contre » dans les médias traditionnels, et dans les différents types de médias ?
  • quelle est l’importance des commentaires positifs, neutres et négatifs obtenus sur des plateformes de défoulement telles Facebook, jour après jour ?
  • qui sont les médias et les journalistes qui génèrent les plus importants gains de réputation ?
  • quels sont les porte-parole qui obtiennent les plus importants scores de performance ?

Voici deux exemples :

La communauté des affaires est globalement en faveur, tel que le démontre cette nouvelle. Gain de réputation de 7 025 $ pour le 3e lien.
Source du visuel : Journal de Québec

 

La députée de QS, Catherine Dorion, fait partie du groupe qui s’oppose fortement. Même si sa sortie était très efficace sur Facebook, elle a obtenu un score de performance de 66 % à cause de commentaires neutres et négatifs.
Source du visuel : Facebook

 

 

Au cours du mois de mai dernier, la couverture médiatique portant sur le 3e lien a explosé en volume – près de 5 800 mentions dans les médias traditionnels !
Source du visuel : Cision

 

À retenir :

  • L’acceptabilité sociale, c’est « très 2021 ». C’est pourquoi tout projet devrait être accompagné d’un plan d’acceptabilité sociale à la hauteur de son envergure.