Max Pacioretti, Don Cherry et l’Université de Montréal
Est-ce que toutes les marques qui sont affichées dans les arénas sont susceptibles de se faire frapper dans la bande ? Oui, mais… pas toutes avec la même puissance.
Mardi dernier, une puissante mise en échec d’un géant de 6 pieds et 9 pouces portant les couleurs des Bruins de Boston a rallié tous les Québécois autour de la Sainte-Flanelle et de sa recrue Max Pacioretti.
Au-delà du débat sur la violence dans la LNH, bien des facettes de cette situation ont été et continuent d’être analysées sous toutes les coutures.
Quatre m’interpellent puisqu’elles touchent mon métier:
- la préparation aux situations de crise
- l’intervention appropriée lors de situations de crise
- les ripostes
- l’analyse de presse
Prévoir toutes les crises… mêmes les impossibles !
Soyons réalistes : le plus complet des plans d’intervention en situations de crises pour des marques telles Bell, Air Canada, VIA Rail et Reebok n’aurait pu mentionner l’hypothèse d’une mise en échec très dangereuse dans un match de la LNH et qui allait engendrer un énorme courant d’indignation à travers le Canada !
Mais, dans de tels plans de prévention, il y a tout de même des « familles » de situations qui se recoupent. Et pour elles, il y a des types de stratégies et d’actions qui sont prévues.
Dans un cas d’indignation populaire aussi intense que celui impliquant Max Pacioretti, il est probable – mais pas du tout automatique – que les stratèges en communication chez Bell, Air Canada, VIA Rail et Reebok avaient initialement prévu une sortie publique.
Dans le feu de l’action (les anglophones ont une très belle expression : Timing is everything!) il faut d’abord décider très rapidement s’il y aura oui ou non une sortie publique. Puis, choisir les mots.
Avec du recul, les dirigeants d’Air Canada regrettent probablement d’avoir évoqué une menace… qui pourrait bien ne pas être poussée plus loin !
Choisir ses batailles… et ses publics prioritaires
Geoff Molson est une personnalité encore peu connue du grand public. Mais c’est assurément un grand communicateur !
Ainsi, avec sa lettre ouverte adressée aux partisans, jeudi dernier, M. Molson a entrepris sa première bataille d’importance depuis qu’il est devenu l’actionnaire principal et le futur président du CH (il remplacera Pierre Boivin à la fin de la saison).
M. Molson a visé – et atteint ! – deux pigeons avec une seule roche. En effet, bien que présentée comme une « Lettre aux partisans », celle-ci s’adressait d’abord et avant tout Max Pacioretti et ses coéquipiers, Jacques Martin, Pierre Gauthier et toute l’organisation. Question de démontrer qu’il est un patron très sensible à la valeur la plus importante de son organisation : ses ressources humaines.
Cette lettre, c’est la partie « visible » de sa stratégie. Nous ne saurons jamais ce qu’il a fait avant et après l’avoir écrite (avec quelques collaborateurs) : a-t-il parlé ou tenté de parler à Gary Bettman ? À l’entourage des Premiers ministres Stephen Harper et Jean Charest ? À quelques collègues gouverneurs de la LNH ?
Quand les commanditaires sont aussi des citoyens corporatifs…
Toutes les marques importantes sont multi-facettes. Elles sont tantôt associées à des activités de publicité, de promotion et de commandite, et elles incarnent souvent l’image de marque des entreprises qui les possèdent (ce que l’on appelle les citoyens corporatifs).
Regardons comment se sont positionnées Bell, Air Canada et Reebok :
- Bell a choisi de ne rien dire parce qu’elle n’est pas en cause (ses gestionnaires ont sans doute considéré, et avec raison, qu’elle ne peut être associée à tout ce qui se passe sous le toit du Centre Bell…) ;
- Air Canada n’est aucunement associée à l’agression. Mais ses dirigeants ont quand même choisi de menacer la Ligue Nationale de Hockey de mettre fin à leurs ententes commerciales (Air Canada est la compagnie aérienne des six équipes canadiennes en plus d’être commanditaire, notamment, du Air Canada Centre de Toronto). De façon cavalière, le commissaire de la LNH, « Call Me Gary » Bettman, a retourné cette menace du revers de main… et on n’a plus entendu Air Canada ;
- Reebok-CCM Hockey, principal fournisseur d’équipement de hockey dans la LNH, a analysé cet incident de façon plus globale. Contrairement à Air Canada, les dirigeants de Reebok n’ont pas menacé de mettre fin à sa commandite, mais ont plutôt suggéré la modification à des règlements afin de réduire les risques de blessures.
Cette fois-ci, le commissaire Bettman a semblé entendre les recommandations de son partenaire d’affaires et a affirmé vouloir en faire un sujet prioritaire à la prochaine réunion des gouverneurs de la LNH.
Finalement, ce sont les pressions « monétaires » qui pourraient faire bouger les choses… bien appuyées par les pressions médiatiques !
Il faut distinguer les commanditaires – qui endossent véritablement un événement ou un lieu – et les annonceurs qui achètent de la publicité. Prenons cet exemple :
- l’Université de Montréal n’est pas un commanditaire du Canadien de Montréal, mais uniquement un annonceur (sous le banc des joueurs du CH, de temps à autre).
Avec un tel achat publicitaire – aussi stratégique que coûteux – les dirigeants de l’institution ont souhaité associer leur logotype à une propriété sportive de qualité, respectée et plus que centenaire. Mais jamais n’ont-ils imaginé voir leur marque au dessus d’un joueur dont la vie a été incertaine, sous nos yeux, en direct et lors d’innombrables reprises… Hélas, ça fait partie du risque !
Faut-il riposter ?
À l’instant même où Geoff Molson et Air Canada sont intervenus, il n’y avait pas que Jojo Savard qui aurait pu prédire que Don Cherry allait sauter dans la mêlée et déblatérer… À la fois contre Air Canada et le CH, qui – horreur aux yeux du coloré commentateur – sont de Montréal…
Dans un tel cas, faut-il riposter ? Comme Québécois, je dis : non, il faut laisser Don Cherry « causer ». Sans répliquer. L’ignorer. Parce qu’il a d’innombrables idées préconçues, et son fidèle public aussi. Réagir contribuerait à lui donner du « carburant » pour continuer !
Analyser ce qui a un impact véritable
Le chroniqueur Réjean Tremblay, de La Presse, n’aime pas l’Université de Montréal : ce fut très clair lors du congédiement de l’entraîneur des Carabins, Marc Santerre, et ce l’est encore cette fois-ci alors qu’il s’en est pris à l’U de M, samedi dernier.
Il a entre autres écrit à propos de la présence de l’Université de Montréal au Centre Bell :« Quand l’Université de Montréal investit des précieux dollars qui viennent sans doute de vos taxes en s’associant à un sport en train de délirer, elle ne fait qu’encourager une façon de jouer au hockey qui va finir par mener à la mort. (…) Mais le jour où la prestigieuse Université de Montréal aura assez honte d’être associée à l’image d’un homme au cou brisé gisant sur la glace, elle retirera sa commandite.»
Selon moi, le fait de voir le logo de l’Université de Montréal à maintes et maintes reprises au dessus de Max Pacioretti n’a pas eu d’impact négatif pour l’institution.
Mais la chronique de Réjean Tremblay, elle, en a un :
selon notre outil Mesure D, la valeur publicitaire (ce que l’U de M aurait déboursé pour obtenir cet espace) est de 14 350 $ et la valeur économique (choc mathématique permettant d’établir la valeur du contenu) est de – 10 050 $, soit un impact de – 170 % …
Qu’en pensez-vous ?