Barcelone et l’évaluation des relations publiques
En 2012, l’évaluation des relations publiques demeurera assurément un enjeu majeur. Voici pourquoi.
En juin 2010, c’est à Barcelone qu’ont été adoptés les principes de la déclaration commune de l’Association internationale pour la mesure et l’évaluation des communications (AMEC) et de l’Institute for Public Relations (IPR) portant sur l’évaluation et la mesure des activités de communication. Depuis, la Public Relations Society of America (PRSA) et l’AMEC sont en train de définir les pratiques qui doivent en découler.
Les sept principes de cette déclaration sont les suivants :
- Il est important de fixer des objectifs et de mesurer leur degré d’atteinte ;
- Il est préférable de mesurer l’effet sur les résultats (outcomes) plutôt que les productions (outputs) ;
- L’effet sur les résultats globaux de l’organisation peut et doit être mesuré lorsque c’est possible ;
- L’évaluation des retombées de presse doit être faite de manière quantitative et qualitative ;
- Les équivalences en valeur publicitaire (EVP) ne sont pas représentatives de la valeur des relations publiques ;
- Les médias sociaux peuvent et doivent être mesurés ;
- La transparence et la reproductivité sont de première importance pour la valeur des mesures.
Attention aux « principes »…
On s’entend : les principes sont établis pour guider une pratique. Mais il s’en trouve toujours, en relations publiques comme ailleurs, pour défendre certains principes au pied de la lettre. Au premier niveau. De façon rigide et… dogmatique.
En tout respect pour mes collègues de l’industrie des relations publiques qui ont écrit les sept principes à Barcelone, force est de constater qu’ils n’ont rien inventé. Ils ont plutôt réfléchi et établi un consensus autour de quelques évidences et tendances, en plus de mettre le doigt sur un élément sensible : la « fameuse » équivalence en valeur publicitaire (il s’agit de la somme publicitaire qu’aurait coûté le temps d’antenne ou l’espace qui a été accordé, par un média, à une retombée de presse).
Je suis contre le recours à la valeur publicitaire équivalente lorsqu’utilisée « au premier niveau » (c’est-à-dire lorsque des analystes affirment qu’une retombée de presse a la même valeur que l’espace publicitaire, ou 3 à 5 fois plus, et ce, sans tenir compte du contenu). Cette approche jette du discrédit sur tous les outils crédibles qui contribuent efficacement à la gestion et au rayonnement des organisations.
Cependant, la valeur publicitaire équivalente – bien qu’imparfaite, j’en conviens – peut être grandement utile lors d’une analyse rigoureuse. Ainsi, dans un outil qui permet les chocs mathématiques, elle ne constitue plus une fin en soi, mais plutôt un moyen parmi de nombreux autres.
Prenons un exemple : la « une » du Journal de Montréal. Dans les deux cas, la nouvelle principale serait présentée avec une énorme photo en couleurs, un titre et une mortaise. Accorderait-on une même valeur à cet espace si on y retrouvait, dans un cas, Céline Dion affirmant sa joie d’être mère et, dans un autre, une institution financière blâmée pour avoir laissé un gestionnaire de fonds frauder ses clients ?
Bien sûr que non. Pour Céline Dion, toute retombée de presse favorable rehausse son appréciation auprès de ses fans, ce qui a une influence sur la vente de ses disques, ses billets de spectacles, ses produits dérivés, etc. À l’opposé, les institutions financières veulent éviter – comme toutes les organisations – les retombées de presse négatives.
Pour une lecture accessible
Lorsqu’utilisée de façon stratégique par les experts, la valeur publicitaire équivalente contribue à déterminer un mode d’analyse des résultats qui favorise – avec des dollars et des pourcentages – la compréhension par les lecteurs des rapports d’analyse : les gestionnaires des communications, les membres de la haute direction et des conseils d’administration, etc.
Certains rapports d’analyse qui évitent la valeur publicitaire équivalente permettent difficilement de saisir si l’impact a été favorable ou non ; et, surtout, à quel point. En effet, est-ce qu’apprendre que la favorabilité est de 2.15 alors qu’elle était de 1.90 dans le rapport précédent sera très utile aux gestionnaires ?
« Permettre à tous les lecteurs de comprendre les résultats ! »
Le principal avantage que procure la valeur publicitaire équivalente dans des rapports d’analyse de presse crédibles n’est pas négligeable : permettre à tous les lecteurs de comprendre les résultats !
Voici ce qu’affirmaient Andre Manning et David B. Rockland dans un article intitulé « Understanding the Barcelona Principles », publié au printemps 2011 dans The Public Relations Strategist :
“You must talk the language of business. This is the way to ensure that executives believe that public relations has a business value. Many companies keep track of how they are doing with customers with a Net Promoter Score. We keep track of our media results in exactly the same way (…). PR measurement has to talk the language of business — silly terms like “impressions,” “hits” and “AVEs” have gone by the wayside.”
En s’appuyant sur des outils de qualité, les stratèges en relations publiques peuvent (enfin !) parler « le langage des affaires », apporter une « valeur ajoutée en affaires » et contribuer au « retour sur investissement ». Que de chemin parcouru !
Un 8e principe ?
Tous les parents ont déjà dit que leur bébé est le plus beau au monde !
Partant de ce manque d’objectivité tout à fait légitime, est-il vraiment possible, pour une personne affectée aux relations de presse, d’affirmer clairement – dans un rapport qui circulera à travers l’organisation – que son patron a mal livré les messages clés ?
Et une agence qui a obtenu un mandat de relations de presse est-elle vraiment objective en affirmant que l’impact des retombées obtenues est exceptionnel (même si c’est vrai) ?
Je suis d’avis que, sauf exception, l’évaluation des actions de relations publiques devrait être confiée à un regard externe et indépendant. J’en ferais un 8e principe.
Bref, je m’inspire des principes de la Déclaration de Barcelone pour exercer ma profession, notamment dans le segment en émergence de l’analyse de presse. Je considère qu’il est possible d’utiliser la valeur publicitaire équivalente de façon stratégique afin de démontrer aux dirigeants que la fonction relations publiques a une valeur économique.
Qu’en pensez-vous ?