Colombo est parmi nous
À nouveau dans cette interminable crise qui perdure depuis plus de trois mois, les dirigeants de BP sont dans l’embarras. Cette fois, pour avoir retouché des photos.
Devant son ordinateur…
C’est un blogueur américain qui a révélé qu’une photo de la cellule de surveillance des opérations sous-marines diffusée par BP a été truquée. Sur cette photo, l’on voit que les silhouettes des ingénieurs ont été grossièrement détourées afin que le contenu des trois écrans de contrôle situés juste devant eux soit remplacé.
Le porte-parole de BP a dû reconnaître la faute… tout en continuant de patauger dans le pétrole parce que le motif invoqué pour tricher ne tenait pas la route. Ainsi, s’expliquant au Washington Post, le porte-parole a mentionné qu’il n’y avait rien de malicieux dans cette manipulation.
« Habituellement, nous n’utilisons Photoshop que pour corriger les couleurs ou recadrer l’image. Dans ce cas, les photographes ont copié-collé trois captures d’écran sur les moniteurs qui n’affichaient aucune vidéo à ce moment ».
Et alors, quel était le problème que d’avoir trois des nombreux écrans vides ?
Dossier clos ? Non. Dès le lendemain, le même blogueur publiait… une deuxième photo retouchée par BP ! Cette fois-ci, à la suite d’un nouveau détourage étonnamment raté, l’entreprise a placé une image sur un écran de vidéo-projection situé derrière les ingénieurs.
« Nous avons informé nos équipes de post production afin qu’elles ne refassent plus ce genre d’opérations à l’avenir », a ajouté le porte-parole, déjà dans le pétrole chaud.
Qui croira que les équipes de post production ont le dernier mot sur celle des communicateurs ? Crédibilité zéro.
Dans la rue…
Il y a quelques mois, c’est un passant qui, revenant du cinéma un samedi soir avec sa copine, a vu quelques souris dans une boulangerie de la rue Mont-Royal. Son premier réflexe ? Filmer les petits intrus avec son téléphone. Et le deuxième ? Diffuser sur le web.
La mise en ligne du clip n’a pris que quelques secondes. C’est la consultante en relations publiques de l’entreprise – à New-York pour le week-end – qui, mise au courant via Google Alerts, a informé son client montréalais ! La gestion de crise a été aussi rapide que méticuleuse. Et ce, uniquement sur le 2.0 puisque c’est dans cet univers que les petits sujets se sont « promenés ». Sujet clos en seulement quelques heures.
… et dans l’imaginaire !
Le citoyen qui diffuse des renseignements à ses « amis » véritables ou virtuels – via un courriel anodin, son réseau Facebook ou des communautés – est un phénomène qui a changé la nature de la circulation des informations. C’est devenu tellement naturel qu’il peut même être « tentant » d’inventer des blogueurs…
Au chapitre des erreurs de jugement sur le 2.0, le cas de BIXI pourrait faire époque, au même titre que la gestion de la crise Tylenol (au début des années 80) est encore citée en exemple pour sa qualité.
Rappelons-nous que, plusieurs mois avant que les premiers vélos BIXI aient circulé à Montréal, en 2009, trois jeunes « blogueuses » vantaient abondamment ce nouveau concept… jusqu’au jour où le chat est sorti du panier du vélo : ce sont des employés d’une firme de publicité qui avaient inventé des personnages !
La mauvaise presse sur le sujet a été telle que, fort heureusement, on n’a plus entendu parler de tels cas au Québec…
Honnêteté et transparence
Revenons à BP : ce qui choque, ce n’est pas l’amateurisme des retouches. C’est plutôt que, dans sa bulle depuis plus de trois mois, l’équipe de communicateurs de BP se soit imaginée au dessus des règles élémentaires d’honnêteté et de transparence.
Depuis que la première goutte s’est échappée du puits, le 20 avril dernier, BP a d‘importants comptes à rendre : aux autorités gouvernementales des États-Unis, au grand public et à ses actionnaires.
Depuis toujours, les principes d’honnêteté et de transparence sont élémentaires en relations publiques. Mais ils ont pris une ampleur considérable depuis que tout peut être dit et montré instantanément sur Internet. De nos jours, il y a des Colombo partout : ils sont à la fois clients dans les commerces, citoyens navigant sur les sites corporatifs, employés frustrés, actionnaires mécontents des rendements, voisins exigeants, etc.
Ceci arrive à un bien mauvais moment pour BP, puisque « il semble » que le super-entonnoir installé sur le puits soit très efficace. Je dis bien « Il semble » parce que… si une multinationale est téméraire au point d’entacher sa réputation avec quelques images en fond d’écran, pourrait-elle mentir sur la véritable efficacité de son plan d’intervention d’urgence au fond de l’océan ?
Poser la question, c’est y répondre. Chose certaine : j’aimerais bien savoir ce que le bon Lieutenant Colombo en aurait pensé !