Gestion de crises

Desjardins : déluge et… lueur

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   9 juillet 2019

Desjardins. 2,9 millions.

Une marque, et le nombre de clients dont les renseignements personnels sont devenus disponibles à… qui sait ?

Depuis plus de deux semaines – parallèlement à tous ses clients qui ont su rapidement ou qui sauront plus tard ce qui leur arrive – la réputation de la marque Desjardins en a pris pour son rhume. Est-ce irrémédiable ?

Non.

Si je suis convaincu que la marque Desjardins renversera le gigantesque déficit de réputation accumulé ces derniers jours, c’est parce que ses gestionnaires ont misé, dès le départ, sur trois éléments qui sont toujours « payants » en gestion de crise : la présence, l’empathie et le capital de sympathie.

Présence

Le président, Guy Cormier, n’a pas attendu d’être coincé avant de réagir. Il est passé à l’offensive, incarnant une « gestion 2019 » que même ses clients les plus frustrés ne pourraient lui reprocher.

Il a toujours assumé l’ultime responsabilité de la gestion de crise et insisté sur l’ampleur de la tâche à accomplir, déclarant notamment : « C’est comme si 50 000 personnes voulaient entrer par une même porte ». Et, tout en blâmant publiquement son fournisseur Equifax qui ne suffit pas à la tâche, il a annoncé quelques mesures additionnelles.

Parlant de présence… Où est la multinationale Equifax ? Pas de son, pas d’image. Personne n’a expliqué ce qu’elle fait du mieux possible – du moins, espérons-le ! – dans un contexte exceptionnel. Ça restera dans l’esprit des Québécois.

Empathie

Les premiers commentaires de rage de Guy Cormier ont donné de la crédibilité à sa gestion de crise. Ça restera, ça aussi.

Et depuis, plusieurs membres de sa garde rapprochée et lui-même sont aux barricades. Vendredi, il a déclaré : « J’entends les commentaires des membres depuis les derniers jours ». Je comprends la frustration et l’inquiétude de nos membres ». Ou encore : « C’est inacceptable ».

Capital de sympathie

Il y a aussi le capital de sympathie de Desjardins – l’un des plus enviables pour une marque québécoise.

LE CAPITAL DE SYMPATHIE, C’EST LE BASSIN QUE L’ON REMPLIT LORSQU’IL FAIT SOLEIL ET DANS LEQUEL ON PUISE LORSQU’IL FAIT MAUVAIS…

Malgré le rayonnement des autres institutions financières, Desjardins demeure plus enracinée que les autres dans le cœur des Québécois. Cette marque peut parfois errer – rappelons-nous la gestion du dossier de Samuel Archibald et du retrait des guichets automatiques en région – mais, généralement, ses valeurs d’origine prennent le dessus dans sa gestion et ses communications.

Le Moyen-Âge est terminé !

Au Moyen-Âge des communications – c’est-à-dire il y a encore quelques années – les réflexes qu’avaient les gestionnaires de crises à propos de la couverture dans les médias traditionnels et sociaux étaient souvent les mêmes :

  • « Prenons la température de l’eau pour voir si c’est grave »
  • « La mémoire est une faculté qui oublie. Laissons aller la situation, les gens vont oublier »
  • « Ça va mal, on le sait. Alors, pas besoin de faire analyser ce que l’on sait »

En 2019, la situation a énormément changé. Les citoyens – souvent aussi clients, comme dans l’actuelle situation de crise chez Desjardins – sont critiques. Très critiques, avec des langues et des pouces très agiles pour s’exprimer !

Combien ?

C’est là que l’analyse du contenu prend de l’importance.

PLUS QUE JAMAIS, LES DONNÉES SONT AU CŒUR DE LA GESTION DES COMMUNICATIONS. LES INDICATEURS DE PERFORMANCE ONT LA COTE !

Il existe différentes méthodologies pour mesurer la réputation dans les médias traditionnels et sociaux. Les plus crédibles permettent de :

  • déterminer les gains et les déficits de réputation en dollars, en pourcentages et en tonalité ;
  • contribuer à la gestion des communications et des marques ;
  • s’appuyer sur des données à la table des décideurs.

Ainsi, jour après jour durant une situation de crise, les gestionnaires peuvent s’appuyer sur des données qui sont traitées et analysées par des experts indépendants et des critères uniformes. Le portrait fourni est rigoureux et fort utile, notamment pour :

  • constater – jour après jour ou d’heure en heure – ce qui évolue favorablement ou défavorablement ;
  • cibler certains mots clés, médias, journalistes et porte-parole.

Par exemple : il est facile d’établir un lien direct en mesurant la réputation de Desjardins dans les retombées lorsque son président ou son vice-président aux communications sont identifiés.

QUAND GUY CORMIER ET MARC-BRIAN CHAMBERLAND SONT PRÉSENTS DANS LES MÉDIAS, LES RETOMBÉES MÉDIATIQUES SONT PLUS FAVORABLES.

Mesure Média a analysé deux des innombrables retombées portant sur la crise de Desjardins:

Desjardins : respirons par le nez - Journal de Montréal
SOURCE : JOURNAL DE MONTRÉAL
  • « Desjardins : respirons par le nez », Journal de Montréal, 25 juin 2019. Page 8. Les principales variables sont positives, dont celles-ci : le titre, l’amorce, le logo de Desjardins, le traitement journalistique, la position dans la page, la position dans le média, etc. Gain de réputation de 28 836 $ ;
  • Inacceptable : Desjardins lance des mesures pour pallier les « ratés » d’Equifax, Radio-Canada.ca, 5 juillet 2019. Les principales variables sont positives, dont celles-ci : le titre, l’amorce, le traitement journalistique, la position dans la page, la position dans le média, etc. Écart favorable de 127 %.

Et maintenant…

Il n’est pas surprenant que de très nombreux consommateurs se plaignent… parce que, lorsque l’on est inquiet – que ce soit pour notre santé ou la sécurité de nos biens – tout ce qui prend plus que quelques secondes nous apparait toujours trop long.

Dans ce cas-ci – et c’est normal – chaque client de Desjardins ne pense qu’à sa propre situation. Mais il y a 2,9 millions de Québécois dans la même situation… Et, malgré un plan de continuité des affaires étoffé et une équipe de communicateurs dédiée à cette crise, la situation ne peut pas être résolue en un coup de baguette magique…

Régulièrement, Mesure Média présente le gain de réputation (ou le déficit) enregistré par une marque, une organisation ou une personnalité au cours de la semaine.

Note: Après avoir tenu compte du coût publicitaire avant négociation d’une retombée de presse, nous évaluons différentes variables d’analyse afin d’établir le gain ou le déficit de réputation de la retombée. Le gain ou le déficit de réputation (en dollars) d’une retombée est calculé à partir de plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs pondérés, dont le traitement journalistique accordé au message ainsi que les aspects graphiques et visuels.