Gestion de crises

Les relations publiques, « qu’ossa donne ? »

Par Pierre Gince, PRP, ARP, FSCRP   |   18 juillet 2011
Yvon Deschamps

Yvon DeschampsL’unique Yvon Deschamps a connu une carrière remarquable avec des affirmations et des questions qui ont fait époque – notamment « Un Québec indépendant dans un Canada fort » et «  Les unions, qu’ossa donne ? ».

« Et les relations publiques… qu’ossa donne ? ».

Cette question, elle est posée à tous les jours au sein des entreprises de toutes tailles, des ministères, des organismes sans but lucratif, etc. Et la réponse se trouve dans une foule de décisions que prennent les gestionnaires.

La preuve : il n’y a jamais eu autant de personnes à travailler en communication/relations publiques dans les organisations, et la croissance des activités en consultation est continue !

 

RELATIONS PUBLIQUES 101

L’expression « public relations » (mal traduite par la suite en « relations publiques » plutôt que « relations avec les publics »…) a évolué grandement depuis le début du XIXe siècle, époque où le terme aurait été prononcé pour la première fois par le troisième Président des États-Unis, Thomas Jefferson (1743-1826), au cours d’une déclaration au Congrès de 1802.1

Mais c’est dans la grande industrie du XXe siècle qu’est véritablement née la discipline des relations publiques. Il n’est donc pas étonnant que celle-ci ait évolué rapidement au sein d’un ensemble lui-même sujet à de profondes transformations.2

Il existe plus d’une centaine de définitions des relations publiques !

En voici deux, soit celles de la Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP) et… la mienne :

SQPRP

« Les relations publiques sont une fonction de direction, de gestion et de communication, à caractère permanent, grâce à laquelle un organisme public ou privé vise à établir, à maintenir et à promouvoir des relations de confiance fondées sur la connaissance et la compréhension mutuelle entre cet organisme et ses publics, internes et externes, en tenant compte de leurs droits, besoins et attitudes, le tout conformément à l’intérêt du public. »

… et ma version « passe-partout »

Je suis tout à fait à l’aise avec les nombreuses définitions qui mettent l’accent sur les mêmes notions : fonction de gestion, relations de confiance, différents publics, intérêt public et compréhension mutuelle.

Mais, elles ont un dénominateur commun : elles ont été écrites pour être lues attentivement… Dans le feu de l’action, quand on me demande ce que je fais dans la vie, je ne récite pas ces définitions. Je dis plutôt ceci :

« Les relations publiques, c’est la gestion du changement et des réputations ».

 

GESTION DU CHANGEMENT ET DES RÉPUTATIONS

Mon ancien patron, l’ancien ministre Élie Fallu, se plaisait à dire que la société est nouvelle à tous les jours. C’est tellement vrai !

Si certains courants sont très évidents –la mode, la musique, la nourriture, les destinations de voyage, etc. – d’autres, moins spectaculaires, façonnent également notre vie de tous les jours; pensons notamment aux notions de meilleure gouvernance des organisations et aux choix politiques des citoyens.

Au cœur de ces changements, il y a généralement des groupes d’intérêts, dont certains sont parfois qualifiés, de façon péjorative, de « groupe de pression » ou « lobbys ».

Qu’il s’agisse de Greenpeace, du Conseil du patronat du Québec ou du Color Marketing Group, ces communautés – souvent formées de compétiteurs ou de gens très différents qui sont réunis autour d’enjeux communs – concertent leurs réflexions, leurs décisions et les actions de leurs membres.

Ces groupes sont omniprésents dans la vie socio-économique et dans l’actualité. Leur but consiste notamment à faire changer des attitudes et des comportements dans la société. Tantôt par des lois et des règlements, tantôt par des courants qui marqueront leur époque.

Et qui dit changement dit… relations publiques.

En effet : souvent associés à la diffusion de messages, les stratèges en relations publiques font bien plus que ça : nous appuyons des organisations qui, légitimement, souhaitent changer des attitudes et des comportements dans la société.

« Le but des relations publiques n’est pas de diffuser des messages, mais de changer des attitudes et des comportements »

 

Eska

Parlez-en en mal ou en  bien, mais parlez-en !

Avec l’arrivée de l’été, l’embouteilleur d’eau Eska a lancé une campagne publicitaire à la télévision qui mettait en scène de « faux Indiens ». Quelle mauvaise idée que d’associer un élément de fausseté à l’eau –le produit le plus « vrai » qui soit !

À peine lancée, ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle soit retirée… et le scénario était facile à prévoir :

  1. Mise en ondes du message
  2. Sortie publique de groupes autochtones vexés
  3. Mesure de l’impact favorable des ventes chez Eska vs la mauvaise presse obtenue
  4. Décision de retirer le message des ondes
  5. Annonce par Eska que l’entreprise allait éventuellement consulter les communautés autochtones avant de produire d’autres messages les mettant en vedette

 La morale de cette histoire : les dirigeants d’Eska ont été influencés par un « trip d’agence de pub », guidé par un dicton de l’ancien temps : « parlez-en en mal ou en bien, mais parlez-en! ».

Il était évident qu’il y aurait, dans les médias traditionnels et sociaux, un grand nombre de commentaires à propos de ce message télévisé –dont une bonne proportion qui a été favorable.

Mais, c’est connu : les dirigeants des entreprises n’aiment pas la controverse –surtout lorsque le centre décisionnel est à l’étranger et que les « vagues » qui surgissent dans la revue de presse locale amplifient et ajoutent parfois de la distorsion dans les situations qui sont observées depuis l’étranger…

Si le but d’Eska était de faire parler de sa marque à tout prix, c’est atteint. Mais est-ce gagnant pour autant ? Je ne crois pas.

Dans le marché des embouteilleurs d’eau, deux des concurrents d’Eska –Amaro qui s’est associée à Joannie Rochette et Nestlé qui a fait de même avec Sylvie Fréchette – ont choisi (sans évidemment se consulter !) une même approche : recourir à des porte-parole adorés et « sans risque » pour leur réputation.

 

EN QUELQUES MOTS…

 Les relations publiques, c’est un secteur d’activité professionnelle qui (entre autres)…

  • requiert une solide compréhension et une véritable sensibilité pour « l’humain »
  • s’adresse à un ensemble de clientèles (c’est beaucoup plus large que les journalistes…)
  • est guidée par l’intelligence émotionnelle, tout en tenant compte de la réalité socio-économique
  • nécessite une foule de connaissances, d’intérêts et de talents (dont une plume exceptionnelle)
  • contribue au rayonnement, aux succès et à la rentabilité des organisations
  • laisse les « spin doctors » (diffuseurs de propagande) à l’extérieur
  • diffuse des messages substantiels (bien plus que des slogans…)
  • se redéfinit à tous les jours
  • épouse le dicton de l’ancien Président de la France, François Mitterand : « Laisser du temps au temps »… puisque rares sont les stratégies et actions qui donnent des résultats probants instantanément
  • a beaucoup changé et qui continuera d’évoluer dans l’univers 2.0… et les suivants !
  • favorise de plus en plus l’évaluation des résultats

 

Qu’en dites-vous ?

  1. Maisonneuve, D., Lamarche, J-F., St-Amand, Y., Les relations publiques dans une société en mouvance, 2e édition, Presse de l’Université du Québec, 1999, 445 p.
  2. Dumont-Frenette, Paul, « Le patricien des relations publiques au service de l’entreprise », Le Devoir, 1er octobre 1971.